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du livre où l’un des tribuns et des soldats de la dernière révolution italienne a réuni ses souvenirs sur les crises qui, de 1847 à 1850, ont agité si douloureusement son pays. Nous laissons ici de côté les opinions politiques représentées par M. Montanelli. Ce que nous voulons, ce sent des accens sincères sur les influences morales au milieu desquelles luttent et agissent les partis : politiques au-delà des monts. La jeunesse de l’auteur, ses premières années passées à Pise et à Florence, son rôle dans la révolution, tels sont les traits qui dans son récit, nous arrêteront surtout, parce qu’ils sont en quelque sorte des traits généraux, où s’accuse mieux qu’en aucune autre partie du livre le caractère italien.

L’éducation de la jeunesse, soumise aux influences les plus contraires, est pour l’Italie une première cause de faiblesse. La génération à laquelle appartient M. Montanelli a été élevée au milieu d’une société dont l’attitude calme et résignée ; cachait un sourd mécontentement. Rien de plus paisible en apparence, que la Toscane au commencement de ce siècle. Né en 1813, à la veille du jour où le calme de l’opinion allait devenir plus profond encore M. Montanelli, fils d’un musicien de Fucecchio, n’était d’abord qu’un jeune virtuose dont le précoce talent musical faisait l’admiration des curés du voisinage. Ses oncles, deux chanoines, n’entendaient pas toutefois que leur neveu négligeât la musique pour les lettres et l’enfant qui à neuf ans jouait encore dans les vertes campagnes de Fucecchio dut parcourir en trois ans le cercle entier des études latines, grecques et philosophiques ! Quel fruit avait pu retirer d’études si incomplètes et si hâtives le jeune fils du musicien de Fucecchio ? Aucun sans douter et en revanche il avait vu déjà ses croyances religieuses fortement ébranlées par ces mille pratiques de dévotion dont l’abus est encore plus sensible en Italie que partout ailleurs. C’est ainsi désarmé, sans avoir eu le temps d’emprunter à la philosophie une armure nouvelle qu’il entrait sans transition dans la vie indépendante et libre des universités. On voit que les institutions politiques n’ont pas seules besoin de réformes en Italie.

Malgré une grande prédilection pour la médecine, M. Montanelli dut se soumettre à la volonté de ses parens et étudier le droit. Dès lors, au lieu de cette Italie paisible qu’il avait connue, un monde nouveau apparut au jeune homme. Des influences singulières agirent sur son esprit. Ici encore, l’histoire de l’auteur des Mémoires est celle de presque tous ses compatriotes. La lecture de l’Encyclopédie, la propagande saint-simonienne, portèrent le trouble dans l’âme de l’étudiant. Devenu avocat, M Montanelli était déjà, malgré une rare douceur de caractère, entraîné vers les luttes politiques. En 1840, la chaire de droit commercial à Pise lui était offerte, et des ovations bruyantes inauguraient son enseignement. De 1840 à 1847, le succès du professeur se maintenait au milieu d’un pays de plus en plus troublé et mécontent. C’est à ce moment de sa vie que M. Montanelli nous ramène au début de ses Mémoires. Qu’on se reporte à la situation de l’Italie à cette époque. Les sociétés secrètes poursuivaient encore leurs travaux souterrains, mais dès 1843 la direction en était tombée aux mains des exilés. Le jeune professeur imagina ; de les remplacer par une association nouvelle dite des Frères Italiens. Le but de l’association était de donner pour basera la régénération