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datant de la période qui précède 1836, et ce petit travail d’insidieuse argumentation ne laisse pas d’être curieux à cause des circonstances qu’il rappelle. Dans les premières années du nouveau régime créé par 1830, Charles-Jean, dont le fardeau s’était un peu allégé, fit un pas, nous l’avons dit, vers l’Angleterre et la France ; mais d’une part, dit M. Lallerstedt, il avait trop mérité d’être suspect, de l’autre ses ouvertures n’avaient rien de franc ni de positif : il demandait aux cabinets de Paris et de Londres « de lui faire des propositions qu’il se réservait d’accepter ou de régler suivant le de gré d’énergie et de concorde qui les aurait inspirées. » On pense bien qu’un tel langage ne pouvait être accueilli. D’ailleurs, quand des inquiétudes nouvelles lui furent suscitées soit par la propagande démocratique en Europe, soit par les bruits de guerre générale qui couraient sur le continent, il revint à ses vieilles habitudes, et de nouveau recourut au point d’appui dont il avait cru un instant pouvoir se passer. Le 23 juin 1834, une convention d’alliance, chargée d’articles secrets, resserra pour la troisième fois les liens qui l’unissaient au cabinet de Saint-Pétersbourg. Quels furent ces articles secrets ? On l’ignore ; mais le pacte d’Abo y fut renouvelé (par anticipation et sans attendre l’année 1836), ou bien remplacé par quelque chose d’équivalent. — Ainsi parle dans son livre récent M. Lallersted. — Si nous essayons de contrôler ses conjectures et les précédentes en nous aidant de la comparaison des correspondances diplomatiques, voici ce que nous trouvons : rien n’indique un renouvellement du pacte de famille en 1820 ; celui de 1826 n’est pas suffisamment prouvé par la seule dépêche de Suchtelen. Il est bien vrai que la Russie, de 1834 à 1836, a paru faire des préparatifs belliqueux et s’efforcer d’imposer à la Suède son alliance ; les travaux des îles d’Aland sont du commencement de 1834, ainsi que les démarches attribuées au cabinet de Saint-Pétersbourg pour se faire céder Gothland. En janvier de cette année, la Russie conclut un traité avec la Porte, et l’on sait qu’une telle alliance signifiait toujours inimitié ou attaque prochaine de la Russie contre l’Europe ; en mars, le chargé d’affaires d’Angleterre à Stockholm écrit que la Russie a certainement l’intention d’entraîner la Suède dans une alliance mari time en cas de guerre, et il espère que « l’opinion publique maintiendra le roi. » C’est enfin dans l’automne de la même année 1834 qu’un célèbre diplomate va officiellement porter les hommages du cabinet suédois au pied du monument élevé à Saint-Pétersbourg en mémoire des victoires de 1813. La mission du prince Menchikof à Stockholm survient immédiatement, et tout cela se passe pendant la rupture avec la France, à la suite du Camarade de Lit. Au sortir de l’année 1834, l’attitude belliqueuse et presque agressive de la Russie continue. Le 15 juillet 1836 après un intervalle de cent treize ans, se