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aux métamorphoses proprement dites, les papillons nous ont fourni une sorte de type auquel nous avons pu rapporter non-seulement l’histoire des autres insectes, mais encore presque toujours celle des annelés en général, des mollusques et des batraciens. Dans ces divers groupes d’ailleurs, la plupart des espèces dont il s’est agi sont plus ou moins connues de tout le monde. Aujourd’hui au contraire je n’ai guère à parler que d’êtres dont les naturalistes seuls étudient les formes et l’organisation. Les noms mêmes seront nouveaux, et plusieurs paraîtront barbares. Ici je dois tout enseigner, et cela précisément alors que les phénomènes deviennent plus complexes et plus étranges. Sans le secours de figures, ce n’est rien moins que chose aisée. Je vais le tenter toutefois, en demandant qu’on me tienne compte au moins d’avoir essayé.

Rappelons d’abord les faits les plus simples, et qui furent aussi les premiers découverts.

Chez tous les animaux dont il a été question précédemment, le concours de deux individus de sexe différent est indispensable pour donner naissance à une nouvelle génération. Ce fait est même tellement général, qu’il a été de tout temps pour le vulgaire une des grandes lois de la nature. Cependant les faits exceptionnels observés jusque chez l’homme, peut-être les fables mêmes des anciens, avaient depuis longtemps préparé les naturalistes à voir certains animaux réunir les attributs du mâle et de la femelle. L’idée de l’hermaphrodisme, acceptée facilement par eux, avait été de bonne heure reconnue vraie pour quelques-unes des espèces inférieures qui vivent dans notre voisinage immédiat, pour les vers de terre et les limaces par exemple. Ces découvertes, étendues plus tard par les belles recherches d’Adanson sur les mollusques[1], avaient donné un nouvel intérêt à un problème fort délicat, agité depuis longtemps. Un animal quelconque peut-il être à la fois père et mère dans toute l’acception des mots, sans le concours d’un autre individu ? Guidés par le raisonnement seul, bon nombre de naturalistes répondaient oui. Cependant l’observation directe d’animaux placés en apparence dans les conditions anatomiques les plus favorables contredisait chaque jour cette conclusion. On savait, à n’en pas douter, que chez le ver de terre, chez la limace, le concours de deux individus était tout aussi nécessaire que chez les mammifères et les oiseaux. Aussi Réaumur, alors l’arbitre universellement accepté en histoire naturelle, était-il près de se prononcer pour la négative, lorsqu’il fut rejeté dans le doute par quelques faits observés chez les pucerons.

La plupart de nos lecteurs connaissent certainement ces insectes,

  1. Histoire naturelle du Sénégal, 1789.