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prolongement de cette masse pénètre dans la queue ; trois autres, placés en avant, agissent comme des ventouses, et permettent à l’animal d’adhérer momentanément aux corps immergés. La jeune ascidie nage d’abord avec beaucoup d’agilité, mais cette activité s’épuise vite. Au bout de quelques heures, elle se fixe pour toujours. Les prolongemens de la masse jaune se retirent alors vers le centre de la larve ; la queue se flétrit et se détache ; des traces d’organisation se montrent ça et là ; les organes digestifs, le cœur, apparaissent successivement, et dès le troisième jour les principaux appareils organiques sont en activité. En même temps la portion tégumentaire de la larve s’est élargie et étendue. C’est elle qui deviendra la gangue commune à tous les habitans de la future colonie. Sur le corps de l’animal, jusque-là solitaire, apparaissent de véritables bourgeons qui se fraient un chemin à travers cette gangue, viennent s’ouvrir au dehors dans un ordre constant pour chaque espèce, et bientôt, au lieu d’une seule ascidie isolée, on a un groupe d’ascidies composées, qui toutes pondront des œufs quand le moment sera venu. Ici donc comme chez les pucerons nous voyons un animal sorti d’un œuf engendrer d’abord solitairement des enfans formés pour ainsi dire de toutes pièces, puis rentrer dans la règle commune et devenir ovipare à son tour.


II. – DECOUVERTE DE LA GENERATION ALTERNANTE.

En combinant avec les observations si précises de M. Edwards celles de ses devanciers et de ses successeurs, nous pouvons en tirer une conclusion générale. Selon toute apparence, la dissémination des animaux fixés est toujours due à des œufs qui, sortis du sein de la mère, vont éclore au loin, et qui, dans l’immense majorité des cas, donnent naissance à des larves, d’abord libres et mobiles. On retrouve donc ici la métamorphose proprement dite et le développement récurrent dont nous avons déjà parlé[1]. De plus, chez les espèces destinées à une vie sociale, on rencontre la multiplication par bourgeons. Ce double mode de propagation est évidemment nécessaire et peut paraître suffisant pour expliquer tous les faits que présente l’histoire des polypes et des autres animaux qui vivent en colonies ; mais la nature organique, — on ne saurait trop le répéter, — procède rarement par une seule voie en choisissant la plus simple, et nous allons voir qu’elle gardait aux naturalistes de bien autres surprises. En 1819, un Français germanisé, que connaissent et aiment

  1. Dans la partie de cette étude relative aux métamorphoses proprement dites, livraison du 15 avril 1855.