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nations qui furent les métropoles du nouveau continent et leurs anciennes colonies. La première de ces questions est celle qui s’est élevée entre l’Angleterre et les États-Unis au sujet des enrôlemens et de l’Amérique centrale ; elle est loin d’être résolue encore. L’Angleterre cependant met dans cette contestation, il faut le dire, une modération extrême : elle évite avec autant de soin que de prudence tout ce qui pourrait irriter les susceptibilités américaines. Le cabinet de Londres offre, pour les enrôlemens essayés un instant pendant la dernière guerre, toutes les satisfactions possibles, moins le rappel de son ministre et de ses consuls, qui a été réclamé impérieusement. En ce qui touche l’interprétation des traités relatifs à l’Amérique centrale, l’Angleterre propose de déférer la question à l’arbitrage d’une grande puissance, et même des journaux anglais ont indiqué comme arbitre la Russie. Le gouvernement américain n’en persiste pas moins dans ses premières prétentions et plus on approche de l’élection présidentielle aux États-Unis, plus il semble que le cabinet de Washington se retranche dans une fierté intraitable, peut-être par un périlleux besoin de retenir la popularité. Les discours les plus violens se font entendre dans le sénat américain, et le général Pierce s’expose à compliquer étrangement la politique de l’Union, si, comme on le dit, aujourd’hui, il est sur le point de reconnaître le gouvernement de Walker dans l’Amérique centrale. Un journal yankee proposait récemment, il est vrai, un expédient inattendu pour mettre fin à ces querelles. Il invitait de son chef la reine Victoria à faire un voyage aux États-Unis, en lui promet tant un accueil digne d’elle et digne de ces terribles enfans de l’Angleterre, après quoi tout serait terminé. Le moyen est original sans contredit, et nous ne voulons pas dire qu’il ne réussirait pas. Il est douteux toutefois que la reine Victoria passe les mers pour aller visiter Jonathan, contempler la chute du Niagara, et se rendre de la dans sa colonie du Canada. En attendant, c’est la diplomatie qui a la difficile mission de régler le différend de l’Angleterre et des États-Unis.

Une autre question qui intéresse également les relations des deux mondes, c’est la querelle qui vient de surgir tout à coup entre la république mexicaine et l’Espagne. Le Mexique fait des révolutions, et ce n’est point là ce qui peut étonner son ancienne métropole ; il fait des dettes, et il n’y a là encore rien que ne puisse parfaitement comprendre la Péninsule, ne fût-ce que par expérience ; mais le gouvernement sorti de la dernière révolution mexicaine a refusé de reconnaître les engagemens de ses prédécesseurs vis-à-vis de l’Espagne, et de solder des dettes reconnues par des traités. Il est allé plus loin, à ce qu’il semble : il a fait saisir sans autre façon les biens des Espagnols résidant au Mexique, et c’est là ce qui a ému justement le cabinet de Madrid, au point que le ministre de l’intérieur a déclaré récemment devant les cortès que si justice n’était point faite de bonne volonté par le gouvernement mexicain, l’Espagne était prête à aller la réclamer les armes à la main.

Telle est la fatalité de ces républiques hispano-américaines, trop souvent faibles et violentes : elles font des révolutions qui ne nuisent pas seulement à elles-mêmes, mais qui atteignent tous les intérêts des étrangers ; il s’en suit d’inévitables querelles avec les puissances européennes, qui ne peuvent