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de l’Espagne ; à Jérusalem il serait sur le sol ottoman : partout il serait sur un territoire qui a un maître, nulle part il ne serait indépendant. En outre, comment se soutiendra la papauté ? Si les peuples catholiques lui paient un tribut, le souverain pontife sera donc à la merci d’une majorité politique dans les pays constitutionnels, ou d’un chef de gouvernement qui pourra refuser le tribut à la première difficulté entre l’église et l’état. Il s’ensuit que ce remède simple et radical ne remédie à rien, il ne fait que révéler la pensée de ceux qui l’invoquent, — pensée révolutionnaire, dont le résultat est de livrer l’autorité religieuse du saint-siège en lui enlevant ce qui assure son indépendance. Tous les peuples catholiques, au contraire, ont intérêt à ce que le souverain pontife soit indépendant ; pour que cette indépendance soit réelle, il faut qu’elle repose sur une souveraineté temporelle, et cette souveraineté doit être à Rome par une tradition séculaire, en vertu d’un droit consacré et reconnu, parce qu’enfin elle ne peut être ailleurs. Lorsque les plénipotentiaires du Piémont, mus sans contredit par une pensée honorable de conciliation, proposaient récemment de constituer les Légations sous une forme semi-indépendante, avec une administration propre, avec une armée nationale, pourquoi n’a-t-on point admis cette proposition, dont M. de Cavour lui-même ne se dissimulait pas la délicate gravité ? Parce qu’elle ressemblait à une atteinte indirecte portée à la souveraineté temporelle du saint-siège, et que les puissances européennes ne peuvent admettre aucune mesure qui menace directement ou indirectement cette souveraineté, dont elles ont besoin pour l’indépendance et la sécurité de leurs rapports avec la papauté.

Cette situation temporelle du saint-siège mise hors de doute, et visiblement attestée une fois de plus par les puissances, il reste des améliorations politiques en un certain sens, si l’on veut, mais avant tout administratives et économiques. Et ici la politique européenne se retrouve en présence de ses propres traditions, elle est sur un terrain qu’elle connaît, qu’elle peut évaluer, dont elle a elle-même tracé les limites dans un mémorandum présenté il y a vingt-cinq ans déjà, en 1831, par les cinq grandes puissances, au pape alors régnant, Grégoire XVI. Le mémorandum remis le 21 mai 1831 au cardinal Bernetti, secrétaire d’état, indiquait quelques mesures comme pouvant remédier aux abus trop évidens de l’administration romaine. Il signalait notamment l’admissibilité des laïques aux fonctions administratives et judiciaires, l’application générale d’un système d’innovations dans la justice et dans l’administration, la création de municipalités électives et de conseils provinciaux se combinant avec un conseil supérieur d’administration pris dans le sein