poris acti du poète latin ; il parle au nom de la caste brahmanique découragée et qui désespère de l’humanité. La perfectibilité humaine ne lui apparaît point comme un espoir consolant, comme un doux rêve. Le temps arrive où la race indienne, plus civilisée, cédant à l’amour du luxe, méprisera cette science de soi-même, cette richesse que le sage emporte avec lui, et d’autres richesses seront à tout prix recherchées par les hommes. Mais enfin quelle joie reste au vieillard qui survit à son siècle et n’attend plus rien de l’avenir ? C’est Indra qui adresse cette question au solitaire, et celui-ci répond : « Celui qui, à la huitième ou à la douzième heure, fait cuire l’herbe sauvage en sa demeure, sans le secours de faux amis, ne goûte-t-il pas une grande joie ? Là où les jours passent dans la joie sans qu’on les compte, on n’appelle pas cela un grand repas ; il y a pourtant de la joie, ô Indra, à préparer dans sa cabane l’herbe des champs. Cueillis de ses propres mains et sans avoir recours à personne, le fruit, l’herbe des champs, cela est bon et ne sent point la misère, mangé dans sa propre maison. — Mais pour celui qui le prend chez autrui, et toujours sous le poids du mépris, le repas le mieux accommodé ne vaut rien ; ainsi en ont jugé les sages. — Qu’il soit changé en un esprit impur, celui qui souhaite manger la nourriture d’autrui ; malheur à lui, pour avoir mangé ce qu’un cœur dur lui accorde à regret ! Mais l’excellent brahmane qui, après avoir offert de la nourriture à des hôtes et aux mânes des ancêtres, en mange les restes, ne goûte-t-il pas une grande joie ? »
Je supprime la conclusion, qui est tout-à-fait inattendue, et sans aucune connexion avec ce qui précède, Car elle proclame qu’il faut toujours donner au brahmane, à celui qui n’a besoin de rien ! Cette misanthropie, cet amour de la pauvreté, un peu affecté, et qui sent son Diogène, cet ennui de la vie et ce dédain des hommes, qui auraient convenu à Héraclite et aussi à Jean-Jacques, ce n’est point dans un livre de morale que j’en trouve la glorification, mais bien dans une épopée héroïque. Doit-on s’étonner, après cela, que les Grecs, amis de la gloire, aient si rapidement pénétré au cœur de l’Inde ? Alexandre s’inspirait d’Homère ; Porus, s’il lisait quelque chose, ne pouvait étudier que des histoires qui toutes tendaient à rabaisser le héros pour élever bien haut le solitaire contemplatif. Veut-on savoir au juste ce que vaut, ce que pèse un roi dans la balance des brahmanes ? Une légende puisée à la même source, — le Mahâbhârata, — nous l’apprendra sous la forme d’un apologue touchant et gracieux.
Agni, dieu du feu, et Indra, dieu de l’éther, désirait savoir ce que valait un certain roi nommé Civi, descendirent sur la terre. Le premier avait pris la forme d’une colombe, le second celle d’un fau-