Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au milieu de ces difficultés incessantes. Quant à l’esprit public, je le répète, ces difficultés ne l’inquiètent pas. Une partie de la société autrichienne y est indifférente, l’autre s’en réjouit. Il y aurait sans doute bien des choses à dire sur cette manière de considérer la question. Le texte du concordat à la main, il serait facile de prouver que cette indifférence et cette joie ne sont pas complètement justifiées. Il faut signaler toutefois ces dispositions comme une preuve éclatante de la jeunesse et de l’intrépidité d’esprit qui se déclarent de plus en plus au sein de cette société en travail.

Cette confiance de l’esprit public, que l’on peut remarquer partout, est entretenue par le sentiment du rôle que l’Autriche a joué dans les affaires d’Orient. On a pu juger les choses autrement de ce côté-ci du Rhin ; on a pu regretter que l’Autriche n’eût pas tenu plus complètement ses promesses du 2 décembre 1854 ; à Vienne, on est surtout frappé de la résolution avec laquelle l’empereur François-Joseph a rompu avec la Russie. « L’Autriche, disait le prince Schwarzenberg, étonnera le monde par son ingratitude. » Si l’on y regarde bien en effet, n’y a-t-il pas eu dans sa politique une étonnante audace ? ne faut-il pas tenir compte de la position de l’Autriche en face des influences russes ? Ce qui nous semble de sa part une coopération insuffisante, n’était-ce pas une démarche décisive ? n’est-ce pas elle qui a occupé les principautés, qui a obligé une partie considérable de l’armée ennemie à rester en observation sur ses frontières ? Ce traité du 2 décembre, qu’il ait produit ou non tout ce qu’on avait espéré, n’était-ce pas un blâme solennel de la politique russe et de l’empereur Nicolas ? Enfin au dernier moment n’est-ce pas elle encore qui a fait entendre des paroles décisives et amené la conclusion de la paix ? Tout cela n’est rien, disiez-vous, tant que l’Autriche n’aura pas tiré l’épée : demandez à Saint-Pétersbourg si l’on attache si peu d’importance à la conduite de M. de Buol ; demandez à Vienne si, en présence de résultats pareils, on ne rend pas justice à l’habileté, à la sagesse de M. le baron de Bourqueney ? L’Autriche, malgré toutes nos réserves sur telle où telle circonstance de détail, a donc joué en définitive un rôle considérable dans la lutte où se débattaient les destinées du monde ; elle le sait, elle s’en réjouit, et cette satisfaction, interdite à la Prusse, augmente encore son impatiente ardeur et sa foi dans l’avenir.

Telle est l’espèce de renaissance qu’il est impossible de ne pas signaler dans la société autrichienne, sans doute un pays si affaissé naguère a encore bien des progrès à accomplir, ce ne sont là que des commencemens et des ébauches ; mais si l’esprit public s’affermit dans la voie où il est entré, l’Autriche rendra de précieux services à l’Allemagne. Qu’elle marche donc et qu’elle déploie ses forces ! Elle ne