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la capitale de la Bavière. J’avais vu Munich il y a quinze ans : quelle différence entre la Bavière de Louis Ier et la Bavière de Maximilien II ! Sous le roi Louis, les arts étaient l’objet d’une protection enthousiaste, et cependant cette protection avait je ne sais quoi de suspect pour les esprits élevés, car les magnifiques œuvres de Cornélius et de Wilhelm Kaulbach n’empêchaient pas de voir clairement la pensée des hommes qui dirigeaient ou exploitaient cette renaissance des écoles germaniques. Cette pensée secrète, qui apparaissait surtout chez les artistes de second et de troisième ordre, c’était le retour au moyen âge, c’était la reproduction artificielle des formes et de l’esprit du XIIe siècle. Et comment n’eût-on pas éprouvé de graves défiances en voyant ce protecteur des arts abandonner aux ultramontains le gouvernement de ses états ? C’était là sans doute le caprice d’une imagination fantasque plutôt qu’un parti pris et un système ; il est certain toutefois que Munich, il y a quelques années, présentait un spectacle assez triste. La philosophie et la science y étaient mal à l’aise, et tandis que les ascétiques figures du moyen âge revivaient sur les murailles des églises, une faction intolérante réglait les destinées du pays. Aujourd’hui tout est changé, l’église est libre dans le domaine de la foi, la religion est entourée de respects et d’honneurs, mais les hommes qui faisaient du catholicisme l’enseigne et le programme d’un parti sont réduits à l’impuissance. Plusieurs des privilèges que s’étaient arrogés les ultramontains ont disparu depuis 1848, sans que la religion en ait éprouvé aucun dommage. Un roi sage, loyal, avide d’instruction et de lumières, a réuni à Munich des écrivains éminens, non par une sorte de luxe et d’étalage princier, mais pour profiter lui-même des richesses qu’il donne à son royaume. C’est toute une pléiade d’historiens, de philosophes, de savans et de jurisconsultes. Lorsqu’on voit de tels hommes rassemblés là de tous les points de l’Allemagne, lorsqu’on voit à Munich un chimiste comme Liebig, un historien comme Fallmerayer, un critique littéraire comme Adolphe de Schack, un philosophe comme Maurice Carrière, un jurisconsulte comme Bluntschli, il est impossible de regretter le temps où peintres et architectes représentaient presque seuls, et nous avons dit dans quel sens, la vie intellectuelle de la Bavière. Ce sont les poètes surtout que le roi de Bavière semble se plaire à grouper autour de lui. On parle en Allemagne de conférences intimes où Maximilien II, entouré de l’élite de ses sujets, écoute disserter les savans, les philosophes, les historiens, indiqué lui-même les matières à traiter, provoque la discussion, et se tient ainsi, sans prétention aucune, au courant des découvertes de la science et du mouvement des idées. Les savans et les historiens n’assistent pas à toutes ces réunions ; les poètes y sont toujours, comme pour avertir que la Muse doit présider à la causerie