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à une situation humiliante ? Il est certain aussi qu’elle a dû réjouir le noble cœur du roi de Wurtemberg ; le roi Guillaume Ier est un esprit élevé qui connaît son époque ; il a tenu en maintes occasions un langage dont les peuples germaniques n’ont pas perdu le souvenir. Lorsque le prince Schwarzenberg, dans sa lutte contre la Prusse, se laissait entraîner jusqu’à dépasser le but, et menaçait l’indépendance des petits états, on se rappelle que le roi Guillaume Ier lui adressa une lettre éloquente et libérale, dont sa vieille expérience doublait l’autorité. Or la guerre qui vient de finir avait engagé le roi de Wurtemberg dans une position fausse ; attaché à la Russie par des liens de famille, il avait écouté trop vite la voix imprudente de son cœur, tandis que les tendances de son esprit le rendaient plutôt sympathique à la cause de la civilisation et du droit. Quant aux souverains du Hanovre et du grand-duché de Bade, on savait d’avance qu’ils ne se plaindraient pas de voir l’influence russe ébranlée en Allemagne. Le roi de Hanovre George V a déjà eu plus d’une fois à lutter contre l’action envahissante du cabinet de Berlin ; le grand-duché de Bade, après avoir été défendu contre la révolution par les armes de la Prusse, n’a pas tardé à sentir le poids de cette protection ; l’échec de l’influence moscovite et par suite la défaite morale de la Prusse n’avaient donc rien qui pût affliger les cours de Hanovre et de Carlsruhe. On n’ignore pas d’ailleurs que si le roi de Hanovre, entraîné par la Bavière et la Saxe, avait paru d’abord hostile à notre cause, le grand-duché de Bade n’avait pas attendu la prise de Sébastopol pour tourner ses regards vers la France. Voilà donc le Wurtemberg, le Hanovre et Bade libres désormais dans leur action. N’en profiteront-ils pas pour effacer de fâcheux souvenirs ? Est-ce une bonne inspiration de la part du roi de Hanovre que de laisser dominer dans ses états le parti de l’aristocratie féodale ? Quelques-unes des lois qui régissent encore le Wurtemberg, ces lois odieuses qui établissent la peine du bâton pour certains délits de presse, ne seront-elles pas rayées d’une législation d’ailleurs libérale et humaine ? L’esprit qui anime le traité du 30 mars est un esprit de conciliation et de sagesse. Tout n’a pas été dit assurément dans les séances du congrès ; mais il a été donné de solennelles indications dont chaque état digne de ce nom est tenu de faire son profit. L’Allemagne a cruellement souffert pendant cette lutte où le sort du monde était réglé sans elle ; sachez au moins la dédommager aujourd’hui, et relevez les trônes en relevant les nations !

J’ai parlé de la Prusse et de l’Autriche, de la Bavière et de la Saxe, du Wurtemberg, du Hanovre, du grand-duché de Bade ; parlerai-je aussi des trente et un petits états, duchés, principautés, électorats, landgraviats, villes libres, au milieu desquels s’éparpillent les forces de l’Allemagne ? Suivrai-je le rôle qu’ils ont joué,