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quelques-uns ont été fusillés. La répression a donc été complète et prompte, suivant l’habitude espagnole. Il reste à savoir si, dans cette situation nouvelle, où le premier besoin est le l’établissement de l’ordre moral et politique, le cabinet de Madrid assumera la responsabilité d’une direction qu’il cherche inutilement ailleurs.

S’il est un pays malheureux depuis quelques années, c’est assurément la Grèce. La Grèce n’a eu aucun rôle direct dans les événemens qui se sont déroulés, et cependant son histoire est un épisode inséparable de ces événemens, un épisode qui semble survivre à la lutte elle-même. Est-ce la guerre allumée en Orient qui a eu pour triste résultat de provoquer cette sorte de décomposition où est tombé le royaume hellénique ? n’a-t-elle fait au contraire que mettre plus sensiblement à nu cette situation indéfinissable d’un peuple qui cache des désordres navrans et invétérés sous d’immortels souvenirs ? On ne saurait le dire. Ce n’est pas même contre l’esprit de faction et d’anarchie politique que la Grèce est réduite à se débattre, c’est tout simplement contre le brigandage, qui démoralise ses populations, infeste ses provinces, et va se montrer tête levée jusqu’aux portes d’Athènes, sans paraître redouter beaucoup la répression. La Grèce est un pays auquel l’Europe s’intéresse volontiers et obstinément, parce que dans ce coin de terre l’esprit de l’Occident retrouve tout un passé. C’est donc avec grande joie qu’on reçoit la bonne nouvelle toutes les fois qu’il est bien convenu périodiquement que le brigandage n’existe plus. S’il y avait quelques brigands, c’étaient, à n’en point douter, des brigands turcs de la Thessalie et de la Macédoine, qui passaient la frontière et venaient ternir la renommée des Hellènes. Il en était ainsi récemment. Le ministre de l’intérieur du roi Othon se félicitait lui-même publiquement de cette remarquable amélioration ; mais voici qu’il y a peu de jours le brigandage s’est montré de nouveau plus vivant que jamais : il a reparu à deux pas d’Athènes, tout près de la garnison anglo-française qui occupe encore le Pirée, et cette fois il n’y a point eu seulement des victimes grecques, le sang de nos soldats a coulé. Les brigands, commandés par un chef fameux du nom de Davelis, se sont jetés sur quelques voitures qui se rendaient au Pirée ; ils ont commencé par les dévaliser naturellement, et ils ont pris la route de la montagne, emmenant avec eux deux prisonniers. Au moment où ils s’enfuyaient, une patrouille de soldats français est survenue ; quelques coups de feu ont été échangés dans la nuit ; deux de nos soldats ont perdu la vie dans la lutte, et les brigands ont disparu avec leurs otages, pour lesquels ils réclament une assez forte rançon. Ces malheureux sont le fils du recteur de l’université d’Athènes, M. Olympios, et un négociant d’Hydra, M. Giourdis. Le lendemain, huit cents hommes de la garnison d’Athènes, munis d’artillerie, étaient envoyés du côté de Daphné, tandis que sur un autre point les brigands pillaient un village, faisaient de nouvelles victimes et s’enfuyaient encore avec leur butin.

Voilà les faits, et il est à craindre qu’ils ne soient le commencement d’une recrudescence de ce terrible fléau. Le gouvernement hellénique tient beaucoup à laisser croire que le brigandage a disparu, et cela est bien concevable. Aussi le journal officiel d’Athènes s’empressait-il, il y a peu de jours, de reproduire une lettre d’un voyageur anglais, M. Smith O’Brien, qui a par-