Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III. - LE CONSULAT.

Rentré dans sa patrie après son excursion clandestine en Angleterre, M. Mollien était encore à méditer sur ce qu’il avait vu et appris dans ce voyage et dans la compagnie du livre d’Adam Smith, lorsque la révolution du 18 brumaire vint changer complètement l’état des affaires, en substituant un gouvernement régulier aux gouvernemens révolutionnaires qui s’étaient succédé jusque-là, et lui ouvrit à lui-même un nouvel avenir.

Les gouvernemens révolutionnaires sur les ruines desquels s’asseyait le consulat avaient réussi à sauver l’indépendance nationale, menacée du plus odieux des attentats en 1792. Non-seulement ils avaient repoussé les assauts de l’étranger, mais, prenant l’offensive à leur tour, ils avaient porté la guerre loin des frontières, au sein des états qui attaquaient le pays, et à la faveur de l’enthousiasme dont la nation était enflammée, ils avaient fait de vastes conquêtes. La France, sous leur main, s’était étendue jusqu’à ce qu’on appelait ses limites naturelles, les Alpes et le Rhin. Cependant au 18 brumaire la force d’agression de la France était épuisée. Après avoir eu l’habitude des plus beaux triomphes, elle reculait de revers en revers, et il fallait songer de nouveau à défendre le sol de la patrie. La brillante victoire remportée par Masséna à Zurich, les avantages signalés que Brune avait obtenus sur les Anglo-Russes en Hollande, étaient des haltes dans l’adversité. Les coalisés pouvaient se flatter de réduire enfin la révolution après avoir tant de fois tremblé sous ses coups. Dans les batailles qui ont la mer pour théâtre, on a vu quelquefois un vaisseau entoure de bâtimens ennemis, recevant leurs bordées incessantes, obligé en même temps de lutter contre l’incendie qui lui dévorait les flancs, et cependant, contre ces périls conjurés, faisant une énergique contenance. La république française, sous les gouvernemens révolutionnaires, avait été dans cette attitude héroïque, mais impossible à soutenir au-delà d’un peu de temps. Il lui fallait un génie puissant et organisateur qui eût la force et l’habileté nécessaires pour éteindre l’incendie intérieur, et qui, concentrant dans sa main tous les courages et toutes les ressources, les opposât avec avantage aux formidables attaques du de hors. Elle venait de le trouver dans le vainqueur de Montenotte et de Rivoli, le négociateur heureux de Campo-Formio, revenu de l’Orient -avec le prestige de nouvelles et merveilleuses victoires.

Les gouvernemens révolutionnaires n’avaient pas eu de finances. Ils avaient vécu, la convention de la vente des biens nationaux provenant de la confiscation des propriétés des émigrés et du clergé,