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des provinces danubiennes, qui l’intéresse à un si haut degré, sans compter les capitaux nécessaires pour tant d’autres entreprises, par exemple pour la fondation de l’Austria ou banque immobilière, pour la navigation intérieure et extérieure, pour l’exploitation des mines et la construction d’usines et de manufactures capables de lutter avec l’étranger. N’y a-t-il pas là de quoi absorber et au-delà les ressources d’un pays plus riche en capitaux que l’Autriche ? N’est-il pas nécessaire que l’on vienne à son aide ? Dieu veuille que des travaux improductifs, comme ceux de la guerre, ou des entreprises frivoles, comme celles que chaque jour voit éclore, ne détournent pas le capital européen de ces œuvres si Utiles à la communauté des peuples, dont les intérêts essentiels sont solidaires !


Si je voulais résumer ce tableau de la situation intérieure de l’Autriche, il me semble que je serais en droit, à l’aide des chiffres qui précèdent, de me montrer moins absolu qu’on ne l’est à Vienne dans la confiance qu’inspire le prochain l’établissement des finances de l’état, et sans doute aussi plus rassuré qu’on ne peut l’être ailleurs sur les améliorations possibles. Évidemment, si les blessures ont été profondes, les remèdes ne font pas entièrement défaut, et ces remèdes mêmes paraissent des plus efficaces. La paix a été et doit être de plus en plus un puissant moyen de guérison. Puisse cette paix durer de longs jours, puisse le temps cicatriser les plaies financières de l’Autriche ! Son salut est à ce prix ; mais ce qui ne lui est pas moins indispensable que le temps, c’est la modération et la sagesse dans ce que j’appellerai sa convalescence. En Autriche plus qu’ailleurs, trop de précipitation serait funeste, et le tempérament débile de ce pays ne supporterait pas les excès de production auxquels l’Angleterre et la France peuvent se livrer avec moins de dangers. C’est la qu’est le péril pour le gouvernement de l’empereur François-Joseph, et j’ajoute que sa conduite à cet égard n’est pas sans causer quelque appréhension : le chiffre des concessions faites ou des concessions promises et annoncées suffit pour justifier ces alarmes.

Je sais qu’il est difficile, même au gouvernement le plus maître de ses mouvemens, de résister à certains entraînemens de l’opinion publique : or l’Allemagne du sud, aussi bien que celle du nord, est emportée par ce torrent qui, parti d’Angleterre et de France, soulève l’Espagne, agite l’Italie, et pénètre même jusque dans la militaire et religieuse Russie, notre ennemie d’hier, notre émule de demain peut-être dans les travaux et les spéculations de la paix. L’Autriche veut ses chemins de fer comme le reste du monde ; elle a la conscience des avantages infinis qu’elle en peut retirer. Au nord, au sud, à l’est, à l’ouest, dans toutes ses provinces, les populations se remuent pour les obtenir, et les grands seigneurs font cause