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de créer à grands frais des observatoires, d’user des existences nombreuses à la poursuite de recherches dont on n’a pas d’avance prévu l’utilité.

On le voit, si hors de notre pays tout le monde s’accorde sur la nécessité de pratiquer la météorologie, en France on est loin d’y concourir avec la même unanimité, et les deux opinions opposées que les savans discutent entre eux ont eu pour résultat d*entraver le zèle des adeptes. Ces deux opinions ont été récemment mises en présence au sein même de l’Académie des Sciences. Pour diriger plus sûrement les tentatives de l’agriculture en Algérie, l’administration de la guerre désira faire exécuter des études suivies sur la climatologie des diverses zones de la contrée, et, ne voulant pas assumer la responsabilité scientifique de l’entreprise, elle demanda à l’Académie une instruction détaillée qu’elle se chargeait de mettre à exécution. Une commission fut nommée, et un rapport fut déposé à la fin de décembre 1855 par M. Pouillet. Ce rapport souleva une discussion extrêmement vive ; restreinte d’abord dans les limites mêmes de la demande qui l’avait provoquée, cette question finit par s’étendre, et à propos des observatoires de l’Algérie, on en vint à mettre en cause et presque en interdit la météorologie elle-même. Les coups les plus rudes lui furent portés par des savans éminens, et ceux qu’elle reçut de M. Biot ont eu un long retentissement.

L’illustre et vénérable doyen de l’Académie des Sciences aime la discussion, et il y excelle, car il y apporte à la fois l’expérience dès luttes scientifiques qu’il a commencées jeune, les ressources d’un esprit très vaste et dont l’éducation est complète, un peu de passion dans les argumens et beaucoup de respect pour les personnes : il y montre surtout la qualité bien rare d’exposer avec une merveilleuse élégance les détails les plus intimes des questions les plus arides, et réussit toujours à faire admirer son talent, lors même qu’il ne fait pas triompher ses opinions. M. Biot entra dans le débat sur la météorologie avec une grande solennité, et, remplissant comme un de voir envers lui-même et envers l’Académie, il prononça une condamnation formelle de la science qui occupe à eue seule plus de disciples que toutes les autres ensemble. « L’épreuve que l’on a faite en Russie, dit-il, de ces établissemens spécialement météorologiques est complète. Leur directeur général est un savant distingué, ses aides principaux sont des hommes très intelligens ; lui et eux ont dû se mettre en possession des méthodes et des procédés d’observation récemment perfectionnés. La générosité de l’empereur de Russie n’a rien refusé de ce qui pouvait assurer le succès de ces établissemens. Pourtant ni la ni ailleurs on n’a tiré aucun fruit réel de leurs coûteuses publications, ils n’ont rien produit pour l’avancement