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intelligent comme M. Delsarte de donner le titre de musique religieuse des IVe et VIe siècles à des mélodies de plain-chant auxquelles on a ajouté de l’harmonie moderne, qui pourrait être souvent un peu plus élégante sans nuire à la tonalité de l’église ? Il est bien à regretter que M. Delsarte n’ait pas su borner son ambition à l’art de chanter et particulièrement à la déclamation lyrique : il eût rendu de grands services à l’école française en propageant le goût admirable qui caractérise sa méthode. C’est au Conservatoire que devrait être M. Delsarte, à la tête d’une classe de chanteurs destinés à l’Opéra, et qui auraient fait toutes les études nécessaires à l’assouplissement de l’organe. Quoi qu’il en soit de nos vœux, les deux soirées données par M. Delsarte avec le concours de Mme Viardot, de MM. Franchomme, Sauzay, Tellefsen et d’autres artistes connus, ont été curieuses et suivies par un public d’élite. M. Delsarte a fait entendre les différens morceaux qui composent ses archives du Chant, publication intéressante dont la quatrième livraison vient de paraître, et qui aura sans doute le succès qu’elle mérite.

Puisque décidément la musique du passé envahit le présent et commence à attirer l’attention du public de toutes les classes, il convient de mentionner aussi la matinée musicale donnée par M. Le Couppey, professeur de piano au Conservatoire. Entouré de ses nombreuses élèves, parmi lesquelles nous avons remarqué Mlle Couderc, M. Le Couppey a fait exécuter et a exécuté lui-même une série de pièces depuis Merulo de l’école de Venise, vers 1600, jusqu’à M. Chopin. Dans ce coup d’œil rétrospectif, on a particulièrement distingué plusieurs charmans badinages de Couperin, tels que son Réveil-Matin, et le morceau en pour clavecin, de Domenico Scarlatti, qui est à l’école italienne ce que Philippe-Emmanuel Bach est à l’école allemande.

Les élèves de l’école de musique religieuse dirigée par M. Niedermeyer se sont réunis le 9 mai pour l’inauguration de l’orgue dans la petite église paroissiale de Saint-Eugène. Ils y ont chanté avec un ensemble remarquable, entre autres morceaux intéressans, le Credo de la messe dite du pape Marcel, de Palestrina, et un motet de Vittoria, Jesu dulcis, d’une onction si pénétrante. Or ce n’est pas un faible mérite que de chanter, seulement avec justesse, cette musique sans accompagnement aussi savante que suave. La péroraison ou l’amen du Credo de Palestrina est un chef-d’œuvre de développement harmonieux où sont accumulées les plus grandes difficultés de la musique chorale, et les élèves de M. Niedermeyer les ont surmontées avec autant de fermeté que de goût. D’après cet exemple, il nous est facile de prédire que l’institution de M. Niedermeyer continuera avec succès l’école fondée par Alexandre Choron, qu’elle s’est proposée pour modèle, et dont elle a recueilli l’esprit.

L’artiste qui porte dignement aujourd’hui le nom illustre que nous venons de citer, M. Nicou-Choron, a fait exécuter tout récemment à l’église de Notre-Dame, au profit des inondés, une grande messe en musique qui avait attiré beaucoup de monde, et qui a été fort remarquée par les con naisseurs. Le Gloria, le Credo surtout, et l’O salutaris sont les morceaux