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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/52

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propagent en même temps… C’est un beau spectacle que ces missions diverses travaillant paisiblement, librement, à la propagation de la foi chrétienne ; mais c’est un spectacle difficile, délicat, périlleux, qui ne peut durer qu’à la condition qu’il sera protégé par la bonne intelligence, par l’harmonie des deux grands gouvernemens sous l’empire desquels ces missions s’exercent. Le jour où cette bonne intelligence aura cessé, du milieu de cet océan il sortira des tempêtes ; ces missions religieuses, catholiques et protestantes, deviendront des principes de querelle, des causes de guerre. Si donc vous voulez que cette grande œuvre, aussi salutaire que belle, continue et réussisse, appliquez-vous à maintenir l’harmonie entre les deux puissans gouvernemens qui la protègent. Et quand ces deux gouvernement sont eux-mêmes d’accord sur ce point, quand ils se promettent l’un à l’autre, quand ils se donnent effectivement l’un à l’autre, dans les régions dont je parle, toutes les libertés, toutes les garanties dont l’œuvre que je rappelle a besoin, ne souffrez pas qu’il dépende de la volonté d’un homme, quelque honorable, quelque courageux, quelque dévoué à son pays qu’il soit, et ce n’est pas moi qui contesterai à l’amiral Dupetit-Thouars aucun de ces mérites, ne souffrez pas, dis-je, qu’il dépende de la volonté d’un seul homme de venir troubler un pareil spectacle, et rompre entre les deux grands pays qui le donnent la bonne intelligence et l’harmonie qui peuvent seules assurer sa durée et son succès. »

Mise franchement en pratique et adoptée par les chambres après de violens débats, cette politique eut dans le cabinet anglais l’effet que nous étions en droit d’en attendre. Dès qu’on sut que nous n’avions pas ratifié la prise de possession souveraine de Taïti, et que nous nous en tenions au protectorat accepté dix-huit mois auparavant par les indigènes, les humeurs et les méfiances se dissipèrent sir Robert Peel s’empressa de rendre hommage à notre loyale modération ; lord Aberdeen ne rencontra plus parmi ses collègues ni doute ni objection aux mesures qu’il se proposait de prendre pour éloigner de Taïti les agens qui pouvaient nous y susciter de nouveaux embarras. L’affaire semblait terminée.

Mais les affaires ne finissent pas si aisément ni si vite, lorsqu’après avoir traité avec la politique d’un gouvernement, on demeure encore en présence de la liberté et de la foi d’un peuple. Beaucoup plus préoccupées de leur œuvre que des principes du droit des gens et des ménagemens entre les états, les sociétés de missions anglaises ne se résignaient pas à voir Taïti passer sous l’empire d’une puissance étrangère et catholique. Nous promettions à leurs missionnaires liberté et protection ; mais elles doutaient de l’efficacité permanente de nos promesses. Elles perdaient à la fois la domination et la sécurité. Soit de propos prémédité, soit par entraînement, elles