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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/574

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dis, c’est que, depuis trois ou quatre ans que le pouvoir est dans nos mains, nous avons modifié nos lois commerciales selon les vrais principes, sans en excepter les lois sur les grains et toutes celles qui prohibaient l’importation des produits agricoles étrangers. Vous pouvez penser que nous n’avons pas poussé le principe assez loin ; mais en tout cas nous n’avons pas fait un seul acte qui n’ait tendu à l’abaissement graduel des droits purement protecteurs. Je demande la permission de persévérer dans la même voie. Je reconnais que l’expérience de ce qui est arrivé à l’égard des articles sur lesquels pesaient des droits élevés qui ont été abolis confirme le principe général ; mais, convaincu comme je le suis que, dans l’application de ce principe, il est nécessaire de procéder avec une extrême réserve, pour qu’il soit généralement et solidement accepté, je ne puis consentir à une proposition qui frappe la propriété foncière au nom de la pure liberté du commerce, sans tenir aucun compte d’aucune autre considération. »

Touchante perplexité d’un esprit sérieux et consciencieux entraîné dans le sens de sa propre pente par un grand flot d’opinion et de passion publique, et qui luttait péniblement contre ses adversaires, contre ses amis et contre lui-même, pour n’agir dans cette crise qu’avec mesure, patience et équité.

La session de 1845 touchait à son terme : près de sortir pour quelques mois de l’arène, les partis voulaient prendre leurs précautions mutuelles et préparer, pour la lutte prochaine, leurs moyens d’attaque ou de défense. Le 5 août, lord John Russell passa solennellement en revue les travaux et les résultats de la session qui finissait, sans conclure par aucune proposition importante et précise, uniquement pour atténuer les mérites du cabinet, faire ressortir ce qu’il y avait eu de défectueux ou d’incomplet dans ses actes, étaler ses embarras et mettre l’opposition en mesure de profiter des chances qui se laissaient entrevoir. L’Irlande et la loi des grains furent les deux points auxquels s’attacha particulièrement lord John, lourd fardeau qu’il s’appliqua à appesantir encore sur les épaules de son adversaire. Peel ne répondit point ; sir James Graham se chargea de la tâche et s’en acquitta avec prudence et convenance, sans compromettre par aucune affirmation ou dénégation absolue la politique future du cabinet. Une grave appréhension pesait sur tous les esprits ; la saison était mauvaise, les récoltes incertaines ; M. Villiers exhala sans ménagement les inquiétudes publiques en s’en armant contre le cabinet qui n’ouvrait pas aux moyens de subsistance toutes les portes, quand au dedans ils étaient près de manquer. Le cabinet garda le silence. Un conservateur obscur, M. Darby, essaya de rassurer la chambre : « il avait vu, dit-il, avec un profond regret une sorte de