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nir, et prit soin lui-même de dégager envers lui les whigs de tout autre lien que leur rapprochement spécial et momentané. « On me raille, dit-il, on me répète que mes jours comme ministre sont comptés. Je n’ai pas proposé cette mesure pour prolonger mon existence ministérielle, mais pour écarter une grande calamité nationale et pour faire triompher un grand intérêt public. On me demande souvent pour combien de temps je crois pouvoir compter sur l’appui des honorables membres qui siègent en face de moi, et dont les votes peuvent seuls me faire espérer que ce bill sera adopté. Je n’ai aucun titre à la confiance et au concours de ces honorables membres. Si mon plan réussit, je reconnais que je le devrai à leurs suffrages. Je ne dis point ceci comme homme privé, ni par aucun motif d’intérêt personnel : je sens et je reconnais, comme homme public, toute l’obligation que j’aurai aux honorables membres pour leur loyale adhésion à cette mesure et pour le soin qu’ils ont mis à déjouer tous les embarras qu’on a essayé de lui susciter ; mais hors de là nos dissidences demeurent les mêmes. Si la mesure passe, notre union temporaire cesse ; je n’ai nul droit d’attendre d’ailleurs des honorables membres aucun appui, aucun ménagement, et je le dis hautement, je ne ferai pour me les concilier aucun sacrifice sur ce que pourra exiger de moi mon devoir public. »

Au milieu de cette franchise mutuelle, après dix-neuf jours de lutte acharnée, la chambre des communes adopta, à 98 voix de majorité, le plan complet de sir Robert Peel. Dans ce dernier vote, parmi les 329 membres qui votèrent pour le bill, on comptait 106 conservateurs fidèles à sir Robert et 223 whigs ou radicaux ; 222 anciens conservateurs et 6 voix éparses repoussèrent obstinément la mesure.

Portée le 18 mai à la chambre des lords, elle y fut aussi ardemment contestée ; pendant onze jours, tous les faits, tous les argumens, tous les intérêts, toutes les passions qui avaient été aux prises dans la chambre des communes se déployèrent sur ce nouveau théâtre, avec moins d’emportement et de personnalité, le chef ennemi n’était pas là, mais avec d’autant plus d’insistance que là les adversaires de la mesure pouvaient prétendre au succès. Cinquante-trois des nobles lords prirent part à la discussion, lord Stanley et lord Ashburton à la tête des opposans, — lord Brougham, lord Grey, lord Clarendon et lord Lansdowne, les premiers parmi les défenseurs du plan libéral. Le troisième jour du débat sur la seconde lecture du bill, le duc de Wellington prit la parole : « Mylords, dit-il, je sais avec combien de désavantages je m’adresse aujourd’hui à vous. Je viens, comme ministre de la couronne, vous demander l’adoption d’une mesure très déplaisante, je le sais, pour beaucoup d’entre vous, avec qui j’ai constamment agi dans la vie politique,