Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traduisant par des actes, le scyphistome le fait par la seule activité organique et sans en avoir conscience. Dans les deux cas, la nature atteint le même but, savoir le perfectionnement du produit définitif à l’aide, non pas de générations intermédiaires, mais de plusieurs couvées appartenant à la même génération. » — On voit en quoi pèche le raisonnement du savant danois. D’une part il argue précisément de ce qui est en question, c’est-à-dire de la préexistence des germes dans les scolex, et d’autre part il conclut à une assimilation, par cela seul que les résultats se ressemblent, et, de son aveu, quoi que les moyens mis en œuvre soient totalement différens. C’est la pourtant ce que M. Steenstrup appelle faire une simple combinaison de la nature intime des faits. Il est, je crois, permis de dire que ce naturaliste, si peu indulgent quand il s’agit des conceptions d’autrui, pourrait sans inconvénient réserver pour lui-même une part de la sévérité dont il a fait preuve envers ses plus illustres confrères[1].

Le monde savant rendit pleine justice à l’ouvrage de M. Steenstrup sur la génération alternante. Chose bien rare, on adopta d’emblée ce qu’il y avait de vrai dans les vues d’un auteur qui groupait et rattachait les uns aux autres tant de phénomènes jusque-là isolés et regardés comme d’étranges anomalies ; mais on combattit avec raison ses idées théoriques. Nous ne saurions, on le comprend, entrer dans le détail de ces polémiques, où les critiques se montrèrent parfois injustes, et le naturaliste danois presque toujours acerbe ; mais nous ne saurions passer sous silence les opinions émises par quelques-uns des hommes les plus compétens.

En première ligne, à tous égards, nous devons mentionner l’ouvrage de M. R. Owen. Ce naturaliste, qui, par l’étendue de ses travaux, a su mériter le surnom de Cuvier anglais, à peu près comme nous appelons Laplace le Newton français, a publié sur les phénomènes qui nous occupent un travail intitulé : Sur la Génération virginale[2]. Ce titre est à lui seul toute une théorie, et nous regret tons d’avoir à dire que cette théorie ne nous paraît pas fondée.

En effet, à l’idée de virginité se rattache invinciblement celle de la possibilité de cessation de cet état. Cette dernière suppose l’existence des appareils qui sont les attributs distinctifs des sexes. Que

  1. « La lumière répandue par ma simple combinaison de la nature intime des faits, je la place hardiment, comme explanation of the phenomena, vis-à-vis du feu-follet de la parthénogenèse, volant ça et la entre les catégories de métamorphoses et de générations, d’individus et d’organes. » (Réclamation contre la Génération alternante et la Digénese.) Ce passage, qui peut donner une idée de la manière de l’auteur, est extrait textuellement de l’ouvrage cité et s’adresse à M. Richard Owen.
  2. On Parthenogenesis, 1849. Dans le courant de ce même ouvrage, l’auteur propose encore un autre nom, celui de metagenesis, qu’on peut traduire par génération changeante.