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Cette remarque s’applique également aux autres dénominations dont j’ai déjà parlé. Voilà pourquoi j’ai proposé de leur substituer celle de généagénèse, qui rend assez bien ma pensée, et qui, elle aussi, constaté seulement un fait existant en dehors de toute idée théorique.

Pour être bien nommé, le phénomène n’est pas expliqué. Nous devons d’ailleurs renoncer à découvrir, au moins encore de longtemps, quelle en est la cause première ; tout au plus pouvons-nous le rattacher à d’autres faits déjà connus et en éclaircir ainsi la nature. Or les naturalistes dont nous avons tout à l’heure rappelé les travaux se sont tous efforcés de ramener la génération agame à la génération sexuelle, la reproduction par bourgeons à la reproduction par œufs. Là est, croyons-nous, la cause principale des difficultés qu’ils ont rencontrées. Le docteur Carpenter s’est placé à un tout autre point de vue[1]. Pour ce savant anglais, l’oviparité est chose entièrement distincte de la gemmiparité. La première exige le concours de deux systèmes d’organes spéciaux et distincts ; la seconde tient seulement à « une multiplication de cellules par le progrès d’un accroissement continu. » Ne connaissant pas le travail même du docteur Carpenter, nous ne savons comment il développe et justifie sa pensée. À en juger par les expressions précédentes, il fait peut-être jouer à la théorie cellulaire un rôle exagéré ; mais à cela près, son opinion est au fond la nôtre depuis longtemps, et voici quelques-unes des considérations qui nous ont conduit à cette manière de voir.

Toute reproduction agame n’est en réalité qu’un phénomène de bourgeonnement. Le fait est évident chez l’hydre, chez l’aurélie et chez tous les animaux où les choses se passent à l’extérieur. L’observation micrographique démontre qu’il en est de même chez les biphores, chez les helminthes, chez les pucerons. Seulement, dans ces dernières espèces, le germe pousse à l’intérieur, se détache par fois de très bonne heure, et tombe dans des cavités où il subit les transformations qui le rapprochent plus ou moins de sa forme définitive. Ici le germe, au lieu d’être un bourgeon proprement dit, est un véritable bulbille, c’est-à-dire un bourgeon caduc destiné à se développer dans l’animal même qui lui donna naissance[2]. Le phénomène du bourgeonnement n’en est pas moins à son début un simple fait d’accroissement local. S’il se forme quelque part un bourgeon

  1. Medico-chirurgical Review, 1848. Je ne connais ce travail que parce qu’en a dit M. Owen dans sa Parthénogenèse.
  2. Les bulbilles sont des bourgeons entièrement semblables aux bourgeons ordinaires, mais qui se détachent spontanément de la plante qui les a produits, s’enracinent et donnent naissance à un nouveau végétal comme l’eût fait une graine. Voyez sur la nature de ces corps reproducteurs la Revue du 15 mars 1850.