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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/778

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réalisables, comme celles qui réclament encore des études, doivent avoir pour effet de généraliser l’usage des voies nouvelles. Nous ne saurions trop le répéter, la meilleure exploitation des chemins de fer, aussi bien au point de vue des compagnies qu’au point de vue de l’état et du public, est celle qui prend pour règle l’intérêt des masses. La tendance à favoriser le petit nombre, soit par l’organisation de trains privilégiés pour les voyageurs, soit par les exceptions plus ou moins occultes introduites dans la tarification des marchandises, est diamétralement opposée au but qu’il s’agit d’atteindre.

Quels sont donc les principes qui doivent diriger les chemins de fer dans la période de maturité puissante à laquelle on les voit parvenus? Durant la première phase de leur histoire, les chemins de fer avaient besoin d’être secondés par la spéculation, par cette confiance pleine d’énergie qui savait braver les incertitudes du présent, en devinant les avantages de l’avenir. Certes nous n’avons pas refusé de rendre justice aux hommes qui ont eu le mérite de s’élancer les premiers dans l’arène déserte. Aujourd’hui cependant un autre esprit doit prévaloir. Dans le frottement journalier des compagnies avec les intérêts particuliers qui alimentent leur trafic, ce qu’il faut surtout, c’est une constante libéralité d’intention, c’est la volonté arrêtée de seconder l’essor de toutes les forces vives du pays. Les compagnies sont investies d’une délégation qui les associe à la noble tâche de l’autorité publique. Il faut qu’elles puissent s’élever jusqu’à cette région où la pensée se dégage assez complètement des liens de l’intérêt privé pour prendre conseil de l’intérêt général. En dehors des obligations inscrites dans le cahier des charges, elles ont implicitement contracté toutes celles qui naissent des principes mêmes de notre civilisation. Que dans le règlement des difficultés qui se succèdent on ait toujours cette idée présente, et l’on sera certain d’arriver aux meilleures solutions. Si, après la phase des grandes entreprises, après la construction des vastes lignes tracées dans toute l’étendue des empires, nous devons voir les chemins de fer se multiplier à l’infini pour desservir les moindres localités ou pour se répandre au sein des villes, il n’en est que plus important d’assurer chaque jour dans la pratique la consécration des vrais principes.


A. AUDIGANNE.