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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/85

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évidemment par la transformation ; mais chez les méduses, les intestinaux, etc., elle se complique aussi de métamorphoses proprement dites et comprend ainsi le phénomène général à tous les degrés. De cela seul nous pourrions conclure qu’elle s’accomplit par les procédés que nous avons déjà signalés ; mais les preuves à l’appui de cette conclusion ne sont ni difficiles à produire ni bien longues à énoncer. La formation première du bourgeon n’est-elle pas essentiellement un fait d’épigenèse, son accroissement un fait d’évolution simple, ses modifications autant de phénomènes d’évolution complexe ? L’état imparfait des organes reproducteurs du puceron neutre ne constitue-t-il pas un véritable arrêt de développement ? Ne trouvons-nous pas, dans l’histoire des méduses, des distomes, du ténia, mille exemples de production, de destruction, d’appropriation des organes ? Et pouvons-nous ici plus qu’ailleurs comprendre ces résultats sans admettre le tourbillon vital ? Non certes, et ce dernier reparaît encore avec le caractère de procédé général que nous signa lions dans les premières pages de ce travail.

Nous voilà donc pour ainsi dire revenus à notre point de départ. Insistons un instant sur ce fait et tirons-en quelques conséquences.

Nous avons vu le tourbillon vital présider aux transformations. Seul il nous a permis de comprendre les métamorphoses ; seul encore il explique les phénomènes bien plus complexes de la généagénèse. Il est donc impossible de ne pas voir dans ce double mouvement d’apport et de départ un fait fondamental, et en quelque sorte la cause immédiate de la formation, du développement, du parachèvement des êtres vivans, Cependant, quoi qu’aient pu dire quelques naturalistes qui ont voulu s’arrêter à ce fait, il faut y voir le résultat d’une cause plus haute, car, inerte par elle-même, la matière ne se meut que sous l’impulsion des agens ou des forces. Tout mouvement matériel est d’abord un effet avant de devenir cause à son tour.

Quel est donc l’agent qui remue ici la matière ? Avec quelques physiologistes, invoquerons-nous les six ou huit forces admises par les physiciens et les chimistes pour expliquer les phénomènes qui se passent dans les corps bruts[1] ? Depuis longtemps nous avons répondu à cette question. Oui, il y a dans les êtres organisés des phénomènes

  1. Les physiciens et les chimistes accusent volontiers les naturalistes de se payer d’un mot en admettant l’existence d’une force particulière pour se rendre compte de l’ensemble des phénomènes qui caractérisent les êtres vivans. Il est vrai que l’astronomie explique les mouvemens des corps célestes par la seule hypothèse de la gravitation ; mais pour expliquer le jeu de leurs instrumens ou les produits de leurs laboratoires, le physicien et le chimiste invoquent successivement au moins la pesanteur, la lumière, la chaleur, l’électricité, le magnétisme ; d’autres y joignent l’affinité, la capillarité, l’endosmose, la catalyse, l’épipolisme, etc., tout cela pour les corps bruts seulement ! Après s’être montrés si peu exigeans pour eux-mêmes, c’est en vérité l’être beaucoup envers les naturalistes que de leur refuser le droit d’admettre comme présidant aux phénomènes si caractéristiques, si variés, de la nature organisée une seule force de plus.