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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/186

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ovoïdes dont le petit diamètre varie entre 5 et 15 millièmes de millimètre. Ce sont ces spores, imperceptibles directement, qui, organisées entre des cloisons, à la suite les unes des autres, se détachent, sont emportées au gré des vents, et vont en nombre immense reproduire en quelques jours la cryptogame partout où l’humidité et une température douce favorisent la germination.

Lorsque, tombées sur les fruits ou les feuilles de la vigne, elles y puisent une nourriture favorable à leur développement, les spores poussent et fructifient bientôt, multipliant en quantités prodigieuses la plante parasite. Et cependant ce n’est pas le seul mode de reproduction de l’oïdium. Il se forme sur les filamens fertiles une fructification particulière, découverte par M. Amici, contenant des centaines de spores ovoïdes extrêmement petites. Ce fruit, que l’auteur nomme sporange, a été observé depuis en Lombardie par le baron Casati, à Londres, sur des raisins de Corinthe, par le révérend Berkeley, et près de Paris par M. Tulasne[1].

Quant à l’action destructive de l’oïdium sur les organismes de la vigne, il n’est guère possible de s’y méprendre, puisque cette cryptogame, sur tous les points où elle se fixe, sarmens, feuilles, fruits, attaque l’épiderme et frappe de mort cette couche périphérique protectrice de toute la plante, dont elle ne peut plus suivre les développemens, mettant ainsi les tissus sous-jacens en contact avec l’air, qui excite la formation des fermens et d’autres agens de l’altération des sucs végétaux.

Les phases successives du phénomène sont très faciles à suivre sur les grains de raisin en voie de développement, que la cryptogame parasite envahit de préférence. On voit d’abord sur les grains de légères taches formées d’une sorte d’efflorescence blanchâtre qui augmente, se feutre, et recouvre une partie plus ou moins étendue, quelquefois la totalité de la superficie. Quoi qu’il en soit, sous les portions envahies, la pellicule épidermique cesse de se développer. Elle ne peut donc continuer à suivre, comme dans l’état normal, l’accroissement de volume du jeune fruit. Devenue fragile d’ailleurs, elle se fend suivant une direction rectiligne ou anguleuse ; les tissus intérieurs qui se développent encore gonflent les grains et entr’ouvrent la fente au point que souvent on voit apparaître les pépins du

  1. Plusieurs botanistes, depuis la découverte de M. Amici, considèrent l’oïdium tuckeri comme un érysiphe. M. Tulasne partage cette opinion et considère quelques autres oïdiums érysiphoïdes et leuconiums comme des états simples ou des modes différens de fructification du genre érysiphe, qui offrirait jusqu’à trois fructifications distinctes. M. Martins, de Montpellier, a même conclu à une identité complète entre l’oïdium tuckeri et l’érysiphe pisi. Jusqu’ici, la dénomination d’oïdium, si généralement connue, prévaut encore ; l’oïdium est considéré comme une espèce distincte par M. Montagne, jusqu’à ce que l’on ait prouvé que son développement n’a pas lieu exclusivement sur la vigne.