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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/241

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la connaissance de la vérité. L’examen, la réflexion, le travail, le temps, le mouvement des esprits, produisent sans cesse de pareils résultats. Il ne s’ensuit nullement que la vérité soit mobile et changeante, mais seulement que la connaissance de la vérité est progressive, parce que l’esprit de l’homme n’est point la vérité en soi. Ce qu’on appelle une variation peut être un pas en avant. On change, parce qu’on approfondit. Le physicien, le philosophe, le médecin, le savant, en un mot, qui se croit en possession de la vérité sur les objets de ses études, ne prétend pas la tenir tout entière. Il pense seulement en avoir une connaissance plus étendue, plus exacte, moins mêlée d’illusions et d’erreurs que ses devanciers. Telle paraît être, au premier aspect, la position que prenait la réformation à l’égard de la vérité religieuse, et c’est bien ce qu’elle pense avoir réellement fait ; mais elle a voulu aussi faire autre chose. Ce besoin présomptueux d’immobilité, non dans la vérité, où l’immobilité est à sa place, mais dans la connaissance de la vérité, qui est un fait mobile, étant un fait de l’homme, la crainte de dissidences sans nombre ou de variations sans terme, la confiance dans les résultats d’un premier effort, si laborieux, si héroïque, vers une régénération évangélique, l’habitude, l’exemple donné par tant de siècles d’une fidélité au moins apparente à une permanente tradition, le désir d’offrir une règle à la conscience, un drapeau à l’action, un port à la raison des peuples, engagèrent les réformés à chercher à leur tour un moyen de fixer la doctrine et un équivalent de l’infaillibilité catholique. Ils croyaient en général que l’Écriture, interrogée avec foi, répondait, et que sa réponse était la parole de Dieu même. Ils ne lui attribuaient pas uniquement la puissance toute morale de mettre l’âme dans cette disposition améliorante qui la réconcilie avec son créateur et son juge : il leur semblait encore que, grâce à elle, une lumière se faisait dans l’esprit, une révélation spirituelle s’accomplissait, qui mettait l’intelligence et la croyance en accord avec le vrai sens de la parole. Il y avait là un effet intérieur, et au besoin surnaturel, de la grâce, et ils allèrent jusqu’à espérer que l’interprétation de l’Écriture, rédigée sous la dictée de cette voix céleste, pourrait devenir le texte de la vérité définitive. C’est ainsi que furent composés et adoptés des symboles, des confessions de foi protestantes ; c’est ainsi surtout qu’on en est venu à la doctrine des points fondamentaux, et par exemple des trente-neuf articles de l’église anglicane. Le monde protestant se compose de chrétiens — dont les uns attribuent à un certain formulaire, souscrit, enseigné et maintenu par un corps hiérarchique de pasteurs, une vérité assez complète et assez définitive pour servir de règle à la conscience même, — dont les autres admettent en principe que toute interprétation sincère de l’Écriture considérée