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se dérober aux devoirs envers la loi, il leur fallait au moins des devoirs envers elles-mêmes; elles étaient obligées de s’armer de leur foi contre un adversaire armé d’un privilège. Elles avaient besoin d’en appeler de l’autorité à la vérité. De là plus de ferveur, plus de conviction, plus de prosélytisme, et une ardeur plus générale à répandre autour de soi le feu de la parole évangélique qui consume, comme une paille séchée, les vains préjugés du monde. Le sentiment chrétien, ainsi qu’on aime à le décrire, tel qu’on le suppose plus souvent qu’on ne le rencontre, dut donc se conserver avec plus d’intensité dans quelques sectes séparatistes, et c’est de là qu’il devait un jour donner le signal du réveil religieux de la Grande-Bretagne.

Mais en même temps l’existence de ces sectes était une protestation vivante contre toute étroite orthodoxie. Elles avaient tellement besoin de la liberté qu’elles ne pouvaient la contester à personne. Le danger d’une oppression commune les rendait indulgentes, bienveillantes quelquefois pour les croyances opposées aux leurs, pourvu que ces croyances fussent indépendantes. Encourageant dans leur propre sein l’action de la pensée individuelle, elles ne pouvaient logiquement se dispenser d’accueillir ou de protéger en principe toute doctrine qui invoquait l’Évangile ou la liberté nécessaire à l’Evangile, en sorte que, plus vivement, plus réellement chrétiennes peut-être que l’église, elles durent prêter appui contre l’église à des nouveautés ou à des dissidences qui portaient de plus en plus atteinte à l’unité et peut-être à la puissance du christianisme.

C’est ainsi que se fit jour peu à peu la croyance unitairienne. Avant que de se produire sous la forme d’une secte, elle s’était assurément insinuée dans beaucoup d’esprits. Encore aujourd’hui elle existe souvent là où on ne la professe pas. Elle n’a certainement pas animé la réformation naissante, mais elle l’a suivie de près. Contenue ou voilée, elle s’est glissée dans toutes les sectes, y recueillant çà et là des partisans discrets. Dès que l’examen commence, il est attiré par la question des miracles. Ceux du Messie, sa résurrection et bientôt sa divinité propre sont des objets qui appellent de préférence la réflexion et l’étude. Comment sur ces grands sujets les esprits libres ne se diviseraient-ils pas? Avec la servitude, l’unanimité disparaît.

Le XVIIIe siècle en Angleterre comme ailleurs a été un âge de liberté philosophique. En naissant, il trouvait le débat ouvert par les sectes de la révolution; mais de plus, au-dessus des sectes et dans les hauteurs de la pensée, une indépendance hardie, bien qu’encore chrétienne, avait commencé à se montrer. Le dogme des trois personnes divines avait lui-même été l’objet d’une interprétation raisonnée, et ce n’étaient pas d’obscurs génies qui avaient donné ce