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ni même Whitefield ne rompirent irrévocablement avec elle. Le premier remplissait tous ses devoirs de paroisse. La question de la hiérarchie intéressait peu leur christianisme tout intérieur. La religion était pour eux éminemment individuelle. C’était surtout une disposition d’âme qu’on pouvait porter en quelque sorte dans toutes les communions. Wesley ne dut qu’à sa ferveur, à la popularité de ses prédications, à la pureté primitive de ses idées protestantes, la disgrâce dont l’épiscopat ne manqua pas de le frapper. Ce n’est point dans une vue d’agression qu’il couvrit l’Angleterre de ces chapelles wesleyennes qui dépeuplaient souvent les églises paroissiales. Irrité d’un mouvement qu’il n’avait ni produit, ni prévenu, le clergé épiscopal s’attiédit encore davantage par esprit de contradiction. Il ne voulut pas reconnaître dans la bouche des novateurs les principes de sa propre foi. Il traita d’excès de zèle et de doctrine un pur protestantisme qu’il n’avait pas inspiré. Il regarda de plus en plus comme une lettre morte, comme une simple convention, la doctrine énoncée dans son formulaire même, précisément parce qu’on la revendiquait contre lui, et il vint un moment où l’on put dire que les trente-neuf articles n’étaient plus sérieusement soutenus que par les méthodistes, qui étaient refusés à l’ordination par les évêques. On s’accorde à regarder comme la plus triste époque de l’église établie le temps qui s’écoula de la moitié du XVIIIe siècle à la révolution française. C’est le moment où la haute église acheva cependant de se réconcilier avec la dynastie. Renonçant à tout reste de jacobitisme, elle conserva son goût pour l’absolutisme, qui forma entre elle et George III le lien d’une mutuelle estime et d’une grande sympathie. Des habitudes plus régulières, des préjugés plus étroits, un mélange d’affectation morale et de corruption politique faisaient de George un de ces princes qui plaisent à certains clergés, et jamais celui de la Grande-Bretagne n’a mieux mérité les piquantes paroles de lord Chatham : « Nous avons un credo calviniste, une liturgie papiste et un clergé arminien. »

Heureusement pour l’honneur du clergé, on vit bientôt poindre dans le régime de la basse église un mouvement qui produisit la formation du parti évangélique. Il fut représenté par des hommes étrangers aux mœurs de la société contemporaine, et qui ne rougirent pas, malgré les modes et les idées de leur temps, de relever le drapeau biblique. Ils eurent pour doctrines, ou plutôt, a-t-on dit, pour mots d’ordre, la nécessité universelle d’une conversion, la justification par la foi, l’autorité de l’Écriture; mais ils se dévouèrent surtout aux grandes œuvres de la charité, telles qu’on peut les concevoir à une époque de haute civilisation et sous l’empire des idées générales. Les écoles, les prisons, les missions en pays d’infidélité.