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Pitt, pendant sa longue puissance, n’osa rien faire pour les catholiques. Les dissidens proprement dits, ceux même qui ne l’étaient que par zèle ou retour au calvinisme, fatiguèrent vainement le parlement de leurs plaintes. Ils y trouvaient leur principal ou plutôt leur unique appui dans cette opposition réduite et soupçonnée, dans ce parti des Fox et des Sheridan qui les compromettaient en défendant indistinctement avec la liberté de croire la liberté de penser, avec les quakers les nazaréens, avec les principes de la tolérance ceux de la révolution de 1789. Tout ce qui se plaint d’une injuste contrainte devient par le fait et pour un temps une opposition libérale. Il est donc inévitable que sous cette bannière se confondent des systèmes bien divers et des intérêts bien disparates. Comme la tolérance légale est due même aux incrédules, tous ceux qui la demandent passent pour leur ressembler. Cette couleur d’incrédulité est une des choses qui nuisent le plus aux opinions libérales, comme aux partis religieux la couleur de l’absolutisme. De 1792 à 1816, la politique fut en Angleterre assez passionnée pour qu’aucune injustice réciproque n’effrayât les partis, et celui du pouvoir poussa la résistance aux principes de 1688, compromis par l’alliance de ceux de 1789, jusqu’où s’y pouvait prêter sans se rompre la constitution de l’état.

Il faut cependant rendre hommage à William Smith, qui en 1813, par l’acte qui porte son nom, parvint à faire effacer les dispositions draconiennes de la loi du blasphème; mais ce n’est guère que dix ans après la paix que l’Angleterre fut, selon l’expression de Montesquieu, visiblement remise sous un meilleur génie. Alors l’esprit réformateur reprit son essor violemment interrompu, et le mouvement se propagea dans toutes les parties du domaine de l’opinion. Les saints du parlement, les évangéliques, les méthodistes, les quakers s’entendirent, se concertèrent pour une foule d’œuvres bienfaisantes et novatrices; les préjugés, les abus, les vices furent attaqués avec énergie, surtout dans leurs conséquences nuisibles. Les utilitaires répandirent ou même donnèrent l’exemple aux charitables, et tandis que les catholiques imploraient leur émancipation, les libéraux la réclamèrent pour eux, trouvant bien souvent un généreux appui dans tous les dissidens de l’unité protestante. L’église épiscopale, ainsi pressée, cernée, dépassée de toutes parts, devait périr ou se ranimer. Elle se ranima à l’air de la liberté qu’elle avait tant redoutée pour son influence et pour sa foi, et qui lui a en partie rendu l’une et l’autre. C’est surtout aux évangéliques que ce réveil est dû. Tandis que ceux-ci, en détachant à leur extrémité un parti exagéré, sabbatarien, comme on l’appelle, .biblique jusqu’au judaïsme, prédestination jusqu’au fatalisme, s’étendent et s’énervent un peu dans