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MAURICE DE TREUIL.

— Mais son art, voulez-vous donc qu’il le néglige ?

— Si cela l’amuse de peindre quelques petits tableaux, je ne l’en empêcherai pas ;… je les mettrai dans mon boudoir, et quand on m’en fera compliment, je dirai : C’est de mon mari Mon mari ! Est-ce singulier ! ce jeune homme qui se promène là et que je n’ai jamais vu !… Mais c’est égal, je le préfère à M. de Courtalin. On dit que les artistes sont si amusans, si spirituels, si gais ! Nous donnerons des fêtes superbes, des bals costumés ; il inventera mille divertissemens dont je n’ai pas l’idée. Je veux dans notre appartement trois salons, un boudoir, une salle à manger d’été, une galerie et une serre où je me tiendrai l’hiver… Des fleurs et des lumières, c’est charmant !

— Il y aura bien aussi un atelier dans cet appartement ?

— Un atelier ? Pourquoi faire ?

— Et sa peinture ?

— Ah ! oui, pour les petits tableaux dont nous parlions tout à l’heure ? Eh bien ! soit, il aura un atelier, et nous y jouerons la comédie ! L’ami de M. Closeau du Tailli s’appelle, je crois, Maurice de Treuil ?

— Oui.

— C’est un joli nom. Mme de Treuil ! cela fait bien… M. Maurice va-t-il beaucoup dans le monde, au Faubourg Saint-Germain, à la cour ?

— Un artiste de son talent peut aller partout.

— Alors nous irons au bal tous les soirs… Je crois décidément qu’il me plaira. Ne m’a-t-on pas dit qu’il était décoré ?

— Oui, depuis deux jours.

— Tant mieux… Un bout de ruban rouge noué autour d’une boutonnière, quand on porte la redingote fermée, c’est très gentil.

Sophie quitta la persienne derrière laquelle elle était cachée, et descendit. Laure la suivit un peu pâle.

La compagnie, grossie de M. de Courtalin et de M. Guillaume Giraud, était réunie auprès du kiosque chinois au moment où Sophie et Laure la rejoignirent.

Sophie était réellement très jolie, et même quelque chose de plus, comme avait dit Philippe. Maurice fut frappé de la grâce et de l’élégance qui étaient en elle. Tant de beauté et un million ! pensa-t-il.

M. et Mme Sorbier occupaient le centre du groupe que formait la compagnie. M. Closeau du Tailli, Maurice et Guillaume Giraud se tenaient debout d’un côté, les deux jeunes filles s’assirent sur un banc de gazon ; seul M. de Courtalin, dans une pose superbe, se tenait un peu à l’écart ; la conversation essaya de devenir générale. Maurice et M. Guillaume Giraud s’étaient par hasard reconnus.

Il se trouva que tous deux avaient été en sixième au collège Bourbon,