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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/351

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MAURICE DE TREUIL.

Mme Sorbier regardait de tous côtés avec impatience ; Sophie mordait son mouchoir pour ne pas rire ; M. Closeau du Tailli seul écoutait religieusement.

Les douze mille francs de Michel de Blois étaient la folie de M. Sorbier. Il les avait perdus il y avait vingt ans, et il y pensait toujours. C’était la seule perte qu’il eût jamais subie.

Un domestique en livrée vint interrompre l’entretien au moment où Mme Sorbier commençait à craindre que son mari n’entamât la narration commerciale de cette perte.

— Madame est servie, dit le domestique.

— Allons, messieurs, dit vivement Mme Sorbier eh prenant le bras de M. de Courtalin.

M. Closeau du Tailli s’arrangea pour rester un peu en arrière avec Sophie.

— Eh bien ! petite, lui dit-il, qu’en pensons-nous ?

— Eh ! mais il est fort bien ! répondit Sophie.

— Ainsi j’ai ton consentement.

— Chut ! reprit Sophie en mettant un doigt sur ses lèvres,… maman nous regarde !

Cette réponse en valait bien une autre, et M. Closeau du Tailli s’en contenta.

Le dîner fini, il prit à part Maurice sous prétexte de fumer un cigare, et l’entraînant dans une allée du parc : — Vous avez vu Sophie, lui dit-il, vous paraît-il que mon portrait fût exagéré ?

— Point ; il péchait plutôt par excès de modestie.

— Alors laissez-moi faire… Ce soir, vous retournerez seul à Paris ; moi, je reste pour aborder les grands parens.

— Un mot encore, dit Maurice en retenant M. Closeau du Tailli, qui faisait mine de le quitter. Ce M. de Courtalin, à qui mon ami Guillaume et Mme Sorbier donnent du baron gros comme le bras, n’est-ce point un prétendant ?

— Oh ! que si ;… mais il n’aura pas la petite, c’est moi qui vous le jure.


V.


Peu d’heures après cet entretien, M. Closeau du Tailli, enfermé seul avec M. et Mme Sorbier, entamait résolument la question du mariage de Sophie avec son protégé.

— Voyons, dit-il, il ne faut pas remettre à demain les choses qu’on peut terminer aujourd’hui. Vous avez vu M. Maurice de Treuil ; comment le trouvez-vous ?

— Pas mal, répondit Mme Sorbier d’un ton un peu froid.

— Très bien, ajouta M. Sorbier.