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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/368

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REVUE DES DEUX MONDES.

que une fonction. La fonction trouvée, et elle l’est, votre présence ici est toute simple et ne soulève plus de difficulté.

— Ainsi, madame, vous avez pensé à me donner une fonction chez vous, un emploi ?

— Oui, un emploi qui assure à la fois votre avenir et votre situation auprès de Mme de Treuil. Dans un pensionnat vous seriez sous-maîtresse, chez nous vous serez intendante.

— Ah ! intendante ?

— Ce n’est pas, mon enfant, que nous ayons besoin d’une intendante. Grâce à Dieu, je suis encore assez jeune et assez active pour conduire une maison ; mais je vous cède le gouvernement intérieur, heureuse d’une abdication qui assure à votre jeunesse et à votre isolement un abri et une position. Vous serez chargée du soin de la lingerie, et tous les domestiques auront affaire à vous. Vous viendrez chaque matin dans ma chambre, et tous les ordres passeront par votre bouche. Vous tiendrez les comptes et paierez la dépense courante. Je me réserve seulement la haute direction.

— Est-ce tout ?

— Plus tard, si ma fille a des enfans, il dépendra de vous d’échanger votre position contre celle d’institutrice et de gouvernante. Vous serez entièrement libre à cet égard ; mais vous connaissez le proverbe, tout travail mérite salaire.

— Madame ! s’écria Laure avec angoisse, de grâce…

— Non, non, ma chère, il faut, si nous prenons votre temps, que nous sachions vous indemniser. Mon mari pensait qu’un traitement annuel de six cents francs, avec la table et le logement, serait une suffisante rémunération ; mais je prends sur moi de l’élever à mille francs.

Le rouge de la confusion montait au visage de Laure ; elle écoutait, et l’étonnement l’empêchait de répondre.

— Vous mangerez avec nous, continua Mme Sorbier, excepté quelquefois les jours de grande réception. Ces jours-là, on vous servira dans votre chambre…

— Pardon, madame, dit Laure en interrompant Mme Sorbier, je vous suis reconnaissante des arrangemens que vous me proposez, mais je regrette bien vivement que vous vous soyez donné tant de peine pour moi. Il m’est impossible d’accepter.

— Vous refusez ?

— Je le dois. En vous demandant l’hospitalité à la Colombière, j’avais seulement l’intention d’y rester quelques jours. J’ai des élèves, madame, et ils me rappellent à Paris.

— Vous renoncez au projet que nous avions formé pour vous de demeurer avec Sophie, quand Sophie elle-même le désire ?