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SIR ROBERT PEEL.

emplacement de la grande exposition universelle, dernier acte auquel eût concouru sir Robert Peel peu d’heures avant l’accident qui avait causé sa mort : « Qui ne serait, dit-il, saisi et accablé d’un sentiment de stupeur en songeant qu’un homme qui, vendredi dernier, éclairait la chambre des lumières de sa pensée, est aujourd’hui mêlé dans la foule des morts, et non par suite de l’une de ces maladies qui triomphent lentement de la nature en épuisant ses forces, mais par un de ces accidens vulgaires dont une vie si richement dotée semblait devoir être à l’abri ?… Ce n’est pas à moi à parler de la carrière de sir Robert Peel, je n’ai jamais été avec lui en liaison politique… ; mais quoi qu’en puisse dire l’histoire, tout le monde reconnaîtra que, dans deux grandes circonstances, en pleine possession d’un pouvoir qui semblait parfaitement assuré, s’il a proposé à cette chambre des mesures qui le lui ont fait perdre, il ne l’a fait que par un grand amour pour son pays et par ce profond sentiment du devoir dont il était constamment animé. Je n’insisterai pas sur ces circonstances ; mais il y a dans la carrière de sir Robert Peel une époque dont je désire parler, car je sens qu’on lui doit un tribut d’éloges que jusqu’ici il n’a pas obtenu : c’est le temps écoulé de 1832 à 1841. Après la lutte engagée sur le bill de réforme du parlement, on pouvait craindre que les hommes qui avaient combattu ce bill, dont ils redoutaient les résultats, ne se retirassent de la vie publique, laissant ainsi s’engager une guerre de classes qui eût pu devenir funeste au pays. C’est sir Robert Peel qui a prévenu cette guerre. Quoiqu’il eût repoussé le bill de réforme, il a accepté avec un mâle courage la situation que ce bill lui avait faite ; il a invoqué le pays même, le verdict du peuple, à l’appui des principes dont il était le plus habile défenseur, et il a rétabli l’harmonie entre les divers pouvoirs de l’état. Il a, je pense, dans cette occasion, rendu à sa patrie un grand service Et dans ces dernières années, pleines de tant de troubles et de luttes, si nous avons vécu en sûreté, nous l’avons dû surtout à la conduite que sir Robert a cru de son devoir de tenir. Animé de ces sentimens, j’ai besoin de dire que, sans faire moi-même à ce sujet aucune motion, si les amis de sir Robert Peel désirent qu’on fasse pour lui ce qu’on fit à la mort de M. Pitt, je suis prêt à appuyer tout ce qui sera proposé pour qu’il reçoive les honneurs de funérailles publiques et solennelles… Je demande la permission d’ajouter qu’ayant jugé convenable d’obtenir, avant de parler ainsi, la sanction de la couronne, j’ai la certitude que tout ce qui pourra honorer la mémoire et le nom de sir Robert Peel recevra sur-le-champ l’assentiment de sa majesté. Je me mets donc entièrement dans les mains des plus intimes amis de sir Robert Peel. N’ayant eu avec lui aucun lien politique, peut-être cette ouverture vient-elle