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SIR ROBERT PEEL.

rer à sir Robert le plus grand honneur qu’aient jamais rendu à un sujet le souverain et la chambre des communes, mais en même temps de décliner aussi fermement que respectueusement la proposition. »

La chambre accueillit ces paroles avec une émotion, je dirais presque avec une soumission respectueuse, qui était pour sir Robert Peel le plus digne hommage. Les mêmes témoignages d’estime et de regret lui furent rendus dans la chambre des lords. Le marquis de Lansdowne au nom du gouvernement, lord Stanley comme un ancien allié et un récent adversaire, lord Brougham comme un ami des réformes libérales, le duc de Wellington avec l’autorité d’un chef aussi désintéressé que glorieux, sous qui sir Robert avait longtemps servi et qui avait voulu servir sous lui à son tour, se levèrent successivement pour honorer sa mémoire, inégalement éloquens, mais tous également pénétrés et sincères. Et le lendemain même du jour où sir Robert Peel recevait dans les deux chambres de son pays ces éclatans hommages, le 5 juillet 1850, le président de l’assemblée législative de France, M. Dupin, adressait à l’assemblée ces paroles aussi convenables qu’opportunes : « Messieurs, au moment où un peuple voisin et ami déplore la perte qu’il vient de faire d’un de ses hommes d’état les plus recommandables, sir Robert Peel, je crois que c’est honorer la tribune française que de faire entendre dans cette enceinte l’expression de nos sympathiques regrets, et de manifester notre haute estime pour cet orateur éminent qui, pendant tout le cours de sa longue et glorieuse carrière, n’a jamais eu que des sentimens de justice et de bienveillance pour la France, et des paroles de courtoisie pour son gouvernement. (De toutes parts : très bien ! très bien ! ) Si l’assemblée daigne approuver mes paroles, il en sera fait mention au procès-verbal. » L’insertion au procès-verbal de la séance fut ordonnée à l’unanimité.

Ces éloges, ces regrets, ces témoignages universels d’estime et de sympathie nationale et étrangère retentissaient encore quand, le 9 juillet, vers une heure après midi, le cercueil de sir Robert Peel partit du château de Drayton pour se rendre, à travers le parc et les champs, à l’église de la paroisse. Sa famille, ses principaux amis politiques venus le matin de Londres, les serviteurs de sa maison, les fermiers et les laboureurs de ses terres formaient le cortège. Le temps était sombre ; la pluie tombait par torrens ; un vaste brouillard, poussé çà et là par de violens coups de vent, enveloppait la campagne. Une foule nombreuse venue de Tamworth et des villages environnans n’en était pas moins réunie près de l’église, à l’entrée du cimetière. À l’arrivée du cercueil, tous se découvrirent immobiles et muets ; il s’achemina, à travers les tombeaux, vers le portail de l’église ; à la tête du cortège, l’évêque de Gibraltar lisait à haute voix les