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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/443

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Rome, habilement déguisée sous une docilité apparente, mais exploitant à son profit les divergences qui séparent en Italie les intérêts et les politiques de la France et de l’Autriche. Suivant lui, si les cabinets de Paris et de Vienne pouvaient concerter sincèrement leurs desseins et leur langage en Italie, rien ne serait plus facile que d’amener la cour de Rome, sans porter atteinte à son indépendance, à faire les concessions réclamées par les besoins et la raison des peuples. « Votre indépendance, lui dirait-on, est l’objet de notre respect. Aussi nous bornons-nous à vous donner les conseils de la sagesse : libre à vous de les suivre ou non ; mais si nous n’avons pas le droit d’aller au-delà d’un conseil, nous n’avons pas le devoir de protéger, l’arme au bras, les abus que nous voyons, que nous déplorons, dont nous vous demandons la réforme. Nous retirons nos troupes pour ne pas être complices de votre mauvaise administration et de votre système politique. Arrangez-vous avec vos sujets en vertu de l’indépendance souveraine que vous réclamez à juste droit et que nous respectons. » La question ainsi posée avec un terme fatal pour la retraite des troupes impériales de la France et de l’Autriche, la solution, dit l’écrivain de la Rivista, ne se ferait pas attendre ; mais, ajoute-t-il, cet accord entre les puissances protectrices n’existera jamais. — Nous ne le suivrons pas au-delà de cette conclusion, à laquelle nous ne voulons pas nous associer. L’Autriche, nous le savons bien, pèse d’un grand poids sur la situation de l’Italie. Ce ne sont pas seulement ses ennemis qui le proclament ; le roi de Naples lui-même, à ce qu’on assure, a pris soin de le lui rappeler en répondant aux conseils que lui donnait la cour de Vienne à l’appui des demandes anglo-françaises, et en l’invitant à lui donner en Lombardie l’exemple des réformes que l’on exige de lui. L’influence et la responsabilité de l’Autriche sont très grandes assurément dans les affaires italiennes. Cependant la cour de Vienne a fourni dans ces derniers temps à ses amis et à ses ennemis des preuves de sage hardiesse qui permettent d’attendre plus encore de son habileté et de sa modération. Au surplus, il importe à la sécurité de l’Europe que l’état de l’Italie soit promptement amélioré. Et quand, pour l’accomplissement de cette tâche, il ne faudrait compter que sur l’alliance anglo-française, aidée d’une pareille force, toute-puissante pour le bien, la cause italienne n’aurait pas lieu de désespérer d’elle-même.

Les lecteurs des Mémoires de Saint-Simon n’ont point oublié que la petite principauté de Neuchâtel fut, au commencement du xviiie siècle, l’objet d’un procès entre le brillant prince de Conti et la vieille duchesse de Nemours, en qui s’éteignit la grande maison de Longueville. Cette contestation entre de si grands personnages occupa la cour un moment ; Louis XIV, avec une majestueuse impartialité, autorisa les deux hautes parties à plaider, sans se prononcer lui-même en faveur de l’une ou de l’autre. Aujourd’hui, après un siècle et demi, voilà Neuchâtel redevenu le sujet d’une plus importante dispute entre deux prétendans plus puissans, sinon plus grands, que nos princes du sang du xviie siècle, entre un roi et une république, et la cause, réveillée par l’échauffourée des royalistes neuchatelois, sera sans doute portée bientôt devant une conférence européenne.

Cette question de Neuchâtel est pendante depuis 1848. Avant cette époque,