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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/467

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est la patrie des bruyères, et le Mexique celle des orchidées. Dans ce séduisant opuscule, M. de Humboldt dévoile les affinités secrètes qui unissent la botanique à la peinture et à la poésie, car le sol, les terrains, les rochers sont partout les mêmes, mais la végétation est la parure changeante de la terre. En mettant le pied sur les rivages du nouveau monde, le géologue reconnaît les terrains de l’ancien : pour le botaniste, tout est changé ; la décoration de la terre n’est plus la même : c’est une autre création, toute différente de celle de l’Europe, de l’Afrique ou de l’Asie.

À ce poétique essai M. de Humboldt en faisait succéder un autre d’un genre plus sévère, où il établit les bases scientifiques de la géographie botanique. Afin que nul n’en ignore, il l’écrit en latin, la seule langue universelle du monde savant. Après avoir estimé le nombre total des végétaux répandus à la surface du globe, il montre quelle est la répartition des quatre groupes naturels établis par les classificateurs dans la zone équatoriale, les pays tempérés et les régions boréales ; c’est l’arithmétique ou la statistique végétale. M. de Humboldt traite ensuite des plantes sociales, puis de celles qui sont communes à l’ancien et au nouveau continent ; enfin il étudie l’influence du climat sur leur distribution. Le premier il montre clairement que des points également distans de l’équateur et également élevés au-dessus de la mer peuvent avoir néanmoins des climats dissemblables, tandis que des contrées situées sous des parallèles très éloignés l’un de l’autre ont des climats analogues. Ainsi, sur la côte orientale d’Amérique, sous la même latitude que Perpignan, Boston a une température annuelle moyenne de 8°,9, tandis que celle de Perpignan est de 15°,5. Baltimore est sous le même parallèle que Cagliari en Sardaigne ; sa température moyenne annuelle est de 11°,6 ; celle de Cagliari est de 16°,3. M. de Humboldt montre combien la végétation est dépendante de ces différences, et combien d’anomalies apparentes en sont la conséquence nécessaire. Les courbes sinueuses qui enveloppent le globe, en passant par tous les points d’égale température moyenne, ont été désignées par lui sous le nom d’isothermes. Ainsi l’isotherme de Paris (lat. 48° 50’) passe en Angleterre par Portsmouth, qui est à 50°48’, et aux États-Unis par Érasmus-Hall, qui n’est qu’à 40° 38’ de l’équateur. Les cartes des isothermes mensuelles, dressées dernièrement par M. Dove et dédiées à M. de Humboldt comme le complément de son œuvre, montrent encore mieux combien la végétation doit être influencée par cette inégale distribution de la chaleur sur le globe. Prenons les mois extrêmes : le mois de juillet est aussi chaud à Halifax en Amérique (lat. 49° 39’) qu’à Londres (lat. 51° 31’, à Berlin (52° 31’), à Saint-Pétersbourg (59° 56’) et sur la côte orientale de l’Asie sous le 40e degré. Ainsi on retrouve la même température en juillet sur