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prouve que dans les hautes latitudes l’orge mûrit lorsqu’elle reçoit une somme de chaleur de 1,500 degrés, quelles que soient d’ailleurs les moyennes du printemps, de l’été et de l’automne.

Le blé entre en végétation lorsque la température atteint 6 degrés au-dessus de zéro. Année moyenne, c’est à Orange le 1er mars, à Paris le 20 mars, à Upsal le 20 avril que l’on observe cette moyenne. Pour que le grain soit mûr, il a besoin d’une accumulation de 2,000 degrés environ : ce total est atteint, et l’on moissonne par conséquent, en général, le 25 juin à Orange, le 1er août à Paris, et seulement le 20 août à Upsal. Le maïs exige pour mûrir une somme de 2,500 degrés à partir de 13 degrés ; la vigne produisant un vin potable, 2,900 degrés à partir du jour où la moyenne est de 10 de grés à l’ombre. Nous manquons d’observation pour les végétaux des tropiques, mais il est probable qu’il faut au moins 6,000 degrés pour que le dattier donne des fruits sucrés. Le cocotier, le muscadier exigent des sommes encore plus fortes ; mais comme la nature a voulu que les régions les plus froides eussent leur parure, les plantes alpines ou polaires se contentent, pour développer leurs feuilles et leurs fleurs, de 50 à 300 degrés. On comprend maintenant pourquoi certains végétaux vivent dans un pays sans y donner de fleurs, d’autres sans y porter de fruits : c’est que la somme de chaleur suffisante pour développer leurs feuilles ne l’est pas pour faire épanouir les fleurs, et à plus forte raison pour mûrir leurs fruits.

L’influence de la température sur la végétation est tellement grande, qu’on cite à peine quelques espèces cosmopolites : la plupart habitent une zone, déterminée ; le froid les empêche de la franchir vers le nord, la chaleur de la dépasser vers le sud ; elles ont toutes une limite polaire et une limite tropicale. Prenons pour exemple les arbres forestiers. Aménagés pour le bois qu’ils fournis sent à l’industrie, leur limite polaire est le point où ils ne peuvent plus supporter la rigueur des hivers ; leur limite tropicale, celle où la chaleur et la sécheresse deviennent trop fortes pour qu’ils puis sent s’en accommoder. M. Schouw a tracé ces limites polaires sur une carte d’Europe. En marchant du sud au nord, on voit disparaître d’abord le chêne-liége, puis le laurier, le myrte, le pin d’Italie et le cyprès, ensuite le châtaignier, puis le hêtre et le chêne, puis le sapin, enfin le pin sylvestre, le mélèze et le bouleau, qui dans l’Europe occidentale s’avance jusqu’au Cap-Nord. La sécheresse, encore plus que la chaleur, arrête les arbres dans leur extension vers le sud ; c’est elle qui bannit le hêtre des plaines de la France méridionale, de l’Espagne, de l’Italie, de la Grèce et des bords de la Mer-Noire.

Ces faits nous amènent naturellement à considérer l’influence de