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fils. Après avoir fait ses études à Winchester, celui-ci entra au collège de Corpus-Christi, de l’université d’Oxford. Il s’y distingua par des succès académiques, et, se destinant aux ordres sacrés, il devint fellow du collège d’Oriel en 1815. À cette époque et dans les années qui suivirent immédiatement, le mouvement des controverses théologiques qui ont depuis lors agité Oxford et l’église n’avait pas encore commencé. Cependant il s’était formé sous le nom de société d’Oriel une réunion des adeptes de ce collège, où l’on remarqua de bonne heure des hommes distingués, destinés à figurer dans les événemens ultérieurs de l’histoire religieuse et philosophique de l’Angleterre. Arnold s’y rencontra avec le docteur Whately, archevêque de Dublin, et le docteur Hampden, évêque de Hereford. Après lui devaient y siéger MM. Pusey et Newman. Le juge Coleridge, le neveu du poète, ami de collège d’Arnold, a, dans une lettre très-intéressante publiée par M. Stanley, représenté avec vérité la personne, le caractère et les opinions de son ami aux jours de leur commune jeunesse. De bonne heure l’antiquité avait agi sur l’esprit d’Arnold presque à l’égal de la religion. D’abord il s’était rendu maître des langues anciennes d’une manière assez complète pour qu’à toutes les époques de sa vie il ait écrit le grec avec facilité. Dans ses journaux de voyage, il change tout à coup de langue et rédige en grec des paragraphes entiers. La philologie la géographie, l’histoire, attirèrent également son attention laborieuse. Dans sa première jeunesse, il avait une telle préférence pour le savoir et les faits que la poésie et même en général la beauté littéraire lui étaient relativement indifférentes. Avec le temps, son goût s’éveilla, et son esprit acquit plus de souplesse et d’étendue. Son style cependant, qui se forma lentement, n’eût jamais à un haut degré les qualités brillantes ou gracieuses que donne une riche imagination. Il réunit la justesse, la clarté et la force ; il est animé par un vrai- et profond sentiment. Jamais rien de froid, rien de vide, rien d’affecté ; mais en cela, comme en toute chose, Arnold semble devoir encore plus à son caractère qu’à son esprit, à son âme qu’à son talent. C’est à force de conviction et de conscience qu’il parvient à être éloquent.

À l’université, ses auteurs de prédilection étaient Aristote et Thucydide. Quoiqu’il ne fût point particulièrement doué pour la méta physique, il parle du premier avec une admiration raisonnée. Plus tard, comme on l’a vu plus haut, il admira Platon sans avoir jamais beaucoup goûté sa philosophie. Quant à Thucydide, il s’en occupa toute sa vie. Son premier ouvrage fut un Lexicon Thucydideum. Pendant douze ou quinze ans, il travailla à une édition du texte, édition qui a été imprimée deux fois et dont les préfaces et les notes ne sont pas seulement philologiques. On peut attribuer en partie à son commerce intime avec le plus politique des historiens la vocation éminente