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une émotion bien vive. Il approuve plutôt qu’il n’admire. Il rend justice au choix des proportions, à la pureté des contours, et ne va guère au-delà. Pourquoi ? C’est que la Vénus de Médicis, malgré tous les mérites qui la recommandent, n’est pas vivante. L’inflexion du corps, le mouvement des bras, ont quelque chose de précieux, de maniéré, qui ne s’accorde pas avec le type que le statuaire a voulu représenter. On aura beau vanter la richesse des hanches, la finesse de la ligne qui divise le dos, on n’arrivera pas à prouver que cette figure donne l’idée de Vénus. On dirait qu’elle rougit de sa beauté, et cette pensée chez la déesse de la volupté paraît au moins singulière. C’est un raffinement condamné par toutes les traditions païennes. Il faut donc reconnaître que la renommée de la Vénus de Médicis est quelque peu exagérée. Je vais plus loin : la contemplation assidue de cet ouvrage n’est pas sans danger pour le goût ; elle habitue l’esprit à dédaigner la franchise dans l’expression.

La Vénus du Capitole est modelée avec une vérité qui frappe d’étonnement tous les spectateurs. C’est la vie même prise sur le fait. Toutes les parties du corps sont d’une souplesse qui ne laisse rien à désirer. Cette figure néanmoins n’appartient pas plus que la Vénus de Médicis aux meilleurs temps de l’art antique. C’est une femme jeune et belle qui charme les yeux, ce n’est pas une déesse. Le statuaire qui a conçu cet ouvrage ne possédait qu’une intelligence prosaïque ; il n’a pu s’élever jusqu’au type de la volupté divinisée. Pour le maniement du ciseau, il va de pair avec les plus ha biles ; pour l’expression poétique, il est nul. La beauté de la Vénus du Capitole est purement humaine, et parmi les modèles vivans il n’est pas difficile de rencontrer une beauté d’un caractère plus élevé.

La Vénus de Milo, placée au musée du Louvre, est la seule, à mon avis, qui réalise pleinement le type de la déesse. On a cru pendant longtemps qu’elle faisait partie d’un groupe de Vénus et Mars ; on supposait que le bras le plus élevé avait dû s’appuyer sur l’épaule de Mars, et que l’autre bras tenait un bouclier. Aujourd’hui toutes ces conjectures se sont évanouies devant une figurine trouvée à Pompéi, et qui reproduit fidèlement la Vénus de Milo. La statue, apportée en France Il y a trente ans, tenait d’une main un miroir à manche, et de l’autre arrangeait ses cheveux. Je n’ai pas besoin d’appeler l’attention sur l’élégance et la souplesse de la draperie, qui explique si franchement la forme des hanches et des genoux. Ce qu’il importe de signaler, c’est l’ampleur et la beauté du torse, le divin sourire qui anime le visage, la merveilleuse harmonie de tous les contours. Ce n’est pas là une beauté purement humaine. Les femmes les plus dignes d’admiration demeurent au-dessous de cette figure,