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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/56

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REVUE DES DEUX MONDES.

laissèrent leur tête. Un Luca della Robbia, parent du célèbre artiste de ce nom et ami d’un des deux condamnés, a laissé de ses derniers instans un récit naïf et touchant. Luca va voir son ami dans la chapelle où on l’avait conduit, et d’où il devait marcher à la mort. Leur entretien a quelque chose d’antique et de chrétien tout ensemble qui peint bien les âmes de ce temps. Boscoli demande un confesseur, et un confesseur de Saint-Marc, de cette communauté où vivait encore l’esprit républicain de Savonarole ; il parle tendrement de sa mère, et prie son ami de lui « ôter Brutus de la tête, » pour franchir le pas entièrement en chrétien ; puis il demande à son confesseur si saint Thomas n’a pas déclaré les conspirations illicites. Le confesseur l’affirme, et dès-lors il n’y a plus dans le cœur de l’intrépide jeune homme que le désir de mourir chrétiennement. Augustin Capponi meurt de même, et l’auteur termine ce récit, très attendrissant dans sa mâle simplicité, en racontant qu’il a revu le frère Saint-Cyprien, ce dominicain qui avait été appelé près des deux condamnés. Celui-ci lui a parlé ainsi : « Pour te déclarer mon opinion, — mais ce ne sont pas choses à répéter, parce qu’on dit ensuite : Ces frères arrangent les choses à leur manière, cependant je veux te le dire, garde-le pour toi, — je crois sans nul doute que Boscoli a été martyr, parce que j’ai trouvé en lui une bonne et très vigoureuse intention, telle que j’en ai été stupéfait. Et quant à ce que tu me dis, cette nuit-là, de lui rappeler que les conspirations ne sont pas permises, sache que saint Thomas fait cette distinction : Ou le peuple s’est imposé lui-même son tyran, ou celui-ci règne par la force et malgré le peuple. Dans le premier cas, conspirer n’est pas permis ; dans le second, conspirer est louable. » C’est en effet, à ce qu’il paraît, l’opinion de saint Thomas.

Revenons aux Médicis. Jean de Médicis, qui est devenu Léon X, le cardinal Jules, qui sera Clément VII, et le jeune Laurent, neveu du pape, gouvernent Florence, qu’agite encore le souvenir des prophéties de Savonarole, réveillées par un franciscain qui, à son tour, menace l’Italie et Florence de tous les fléaux de Dieu, « de manière, dit Pitti, à donner à penser aux gouvernans. » « Pour remettre le peuple en joie, on fit le jour de la Saint-Jean, l’an 1514, de grandes fêtes, chasses, triomphes et joutes. » Au milieu de ces distractions, conformes à la politique des Médicis, on apprend que les Français s’apprêtent de nouveau à descendre en Italie. Louis XII meurt, mais François Ier s’avance. Laurent, petit-fils du Magnifique, meurt bientôt lui-même de la mort de François Ier après la naissance de Catherine de Médicis, son seul enfant. La lignée mâle de Cosme l’Ancien va s’éteindre dans la personne de Léon X. La politique des Florentins asservis est toujours plus dominée par les influences étrangères. Le peuple a