Dès la semaine prochaine, elle reprendra ses jeudis. M. Sorbier s’est enfermé dans son cabinet, auquel il pensait dans les gondoles de Venise comme au pied du Vésuve, devant Saint-Pierre de Rome aussi bien que sur le Lac-Majeur ; il compulse la correspondance et les notes de son fondé de pouvoirs d’Étampes et hume avec délices l’air fade et les émanations pernicieuses de ce réduit. M’"* de Treuil défait et retourne dix cartons tout remplis de costumes, de châles, d’étoffes et de colifichets rapportés de toutes les provinces qu’elle a traversées. Maurice bat la ville à la poursuite de ses amis et cherche à s’organiser dans un atelier qu’on lui a préparé sur la terrasse d’un pavillon. Ces tentatives d’organisation, à toute heure et à tout propos interrompues, durent depuis huit jours, et ne sont pas près de finir.
Au plus fort de ces apprêts, un matin, tandis que M"*^ Sorbier dépouillait de leurs enveloppes les candélabres qui devaient prêter leur éclat à ses réceptions hebdomadaires, que Sophie tirait du fond d’une grande caisse un chapeau de paille d’Italie qu’elle avait choisi à Florence, et qui devait faire son apparition aux Champs-Elysées dans une calèche toute neuve, un tourbillon de soie, de dentelles et de velours entra dans l’appartement. Deux cris saluèrent l’arrivée de ce tourbillon au-devant duquel coururent subitement Sophie et M""* Sorbier.
— Cette chère madame de Vitteaux, c’est elle ! dit la mère.
— Mathilde, est-ce bien vous ? s’écria la fille.
— Oui, c’est moi, c’est bien moi, répondit le tourbillon en les embrassant toutes deux. — Vous ne vous attendiez pas à me voir, n’est-ce pas ? Mon mari m’avait écrit de le rejoindre à Vienne : j’y suis allée pour lui dire que je retournais à Paris.
— Et vous l’avez laissé à Vienne ?
— Oui, à Vienne ou à Prague, peut-être bien à Pesth, je ne sais pas. Je périssais d’ennui. La fumée de Paris me manquait... Que faites-vous donc là ?
— Nous arrangeons... Les domestiques sont si maladroits ! répondit M"’" Sorbier.
— Que je vous plains ! Tout est sens dessus dessous chez moi ! Comment faites-vous pour vivre ? Je meurs tous les jours... Que de tracas ! Cent personnes à voir, mille visites à rendre, et l’histoire de tout le monde qu’on ne sait plus ! On laisse des petites filles, on retrouve des madames. Et vos amis qui sont mariés... Que de trahisons !
Tenez, je suis en deuil d’un cousin sur qui je comptais pomme
mettre au courant de tout, une gazette de vingt-huit ans, auditeur au conseil d’état ; il avait une façon adorable de porter la barbe. Il a pris femme. Et puis il y a les morts ! Hier je vais tout affairée