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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/63

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L’HISTOIRE ET LES HISTORIENS DE L’ITALIE.

Carraccio et l’a inséré dans son ouvrage. Je pense que si on avait trouvé ce dessin, on l’aurait reproduit.

Ce qui domine toute la première partie de cette histoire, c’est la guerre séculaire de Pise et de Gênes, longue rivalité de Rome et de Carthage, ou plutôt de deux Carthages. Puis viennent les inimitiés de Pise et de Florence, qui, d’après un récit que notre auteur rapporte sans y croire, auraient commencé à l’occasion d’un petit chien promis par un cardinal à un ambassadeur de Pise après qu’il avait déjà été donné à un ambassadeur florentin. La véritable et constante cause de ces inimitiés fut que Pise était la ville gibeline par excellence, et qu’à Florence, le parti guelfe, en général dominant, chassait les gibelins, dont Pise était l’asile et l’appui. Ces haines intestines qui divisaient l’Italie au moyen âge ont passé dans les histoires locales, et souvent en altèrent la vérité. On voit par exemple l’historien pisan dont nous parlons montrer le peu d’exactitude du récit que font les chroniqueurs florentins d’une certaine paix de 1254 ; mais lui-même, à ce qu’il semble, aveuglé par l’esprit national, tombe dans un excès également contraire à la vérité, tant les vieilles rancunes entre guelfes et gibelins, entre Florence et Pise, existaient à la fin du xvie siècle.

L’histoire véritable du comte Ugolino Gherardeschi, que nous appelons Ugolin, et que beaucoup ne connaissent que par Dante, est racontée d’une manière intéressante par Roncioni. Accusé d’avoir causé la perte d’une bataille navale contre les Génois, il le fut encore de favoriser les cités guelfes et de faire la paix avec les Florentins, pour se préparer par là des instrumens d’ambition et de tyrannie, d’avoir tué un sien neveu de sa propre main, enfin d’avoir excité, en faisant mourir celui de l’archevêque Roger, cette haine qui devait se produire par une atrocité de vengeance que Dante a punie on sait par quelle atrocité de châtiment ; mais ce châtiment, ce n’était pas l’archevêque Roger seul qui le méritait, c’étaient tous les membres du conseil (tutti i senatori), qui condamnèrent, après vingt jours d’une horrible prison, leur ennemi désarmé à mourir de faim avec deux de ses fils et deux de ses neveux. Roncioni, qui ne peut s’empêcher de trouver ce traitement abominable, est cependant comme atteint lui-même de cette haine pour le gibelin traître à son parti, et prononce pour ainsi dire une seconde fois l’atroce jugement sur Ugolin.

La grande lutte de Pise et de Florence remplit toute la dernière partie de l’histoire de Roncioni. Cette lutte est pleine d’incidens et de détails qui ont une certaine tournure antique et héroïque. Uguccione della Faggiola, après avoir enlevé Lucques aux Florentins, fait à Pise une entrée triomphale sous le dais, par la Porte d’Or. Il prononce, avant la bataille de Monte-Catini, un discours qui ressemble