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de ce soin, et parlèrent de lui donner les dépendances d’un temple pour résidence. Enfin, après plusieurs jours d’attente, ils reléguèrent l’envoyé russe dans un hangar infect qui servait habituellement à conserver du poisson sec. C’est la qu’il attendit la réponse de la cour, qui arriva le 12 mars 1806. M. de Resanof était informé qu’il ne serait point reçu par l’empereur, mais qu’un commissaire impérial serait chargé de traiter avec lui. Ce commissaire se trouvait le 30 mars à Nagasaki, et l’audience fut fixée au 4 avril. La journée du 3 fut employée à régler les formes de l’étiquette, et après de grands pourparlers il fut convenu que l’ambassadeur de Russie pourrait se borner à faire le salut à l’européenne, mais qu’il se présenterait à l’audience sans épée et sans souliers, et que pendant la conférence il se tiendrait assis à terre à la façon des Japonais. On lui accorda la petite satisfaction d’amour-propre de se faire suivre de ses douze hommes de garde avec leurs armes, en même temps qu’on ordonnait, pour détruire l’effet de cet appareil, que toutes les rues où devait passer le cortège resteraient entièrement désertes, que toutes les maisons en seraient hermétiquement fermées, et que toutes les issues des rues latérales devraient être bouchées par des cloisons en planches.

Le premier jour, M. de Resanof se borna à expliquer le but de sa mission ; il présenta une prétendue autorisation accordée en 1792 à M. Laxman, et d’après laquelle le port de Nagasaki était ouvert au commerce de la Russie. On lui répondit qu’il n’y avait rien de semblable dans ce document, et qu’il n’avait pas été compris. À l’audience du 5, on lui remit deux décrets qui ne lui laissaient aucune espérance. Tous les présens apportés pour l’empereur du Japon furent refusés, la lettre de l’empereur de Russie ne fut pas même acceptée. On défendit à l’ambassadeur de rien acheter avec de l’argent, ni de faire aucun cadeau à qui que ce fût. Les réparations faites au navire, ainsi que son entretien pendant son séjour et un approvisionnement de deux mois furent fournis gratuitement par le gouvernement japonais, qui donna en sus 2,000 sacs de sel et 100 sacs de riz pour l’équipage, 2,000 pièces de ouate de soie pour les officiers. Ainsi se termina cette ambassade, dont on attendait de grands résultats. M. de Resanof repartit le 19 avril 1805, après un séjour de plus de six mois. Il relâcha aux îles Saint-Pierre et Saint-Paul, où il rencontra deux officiers de la marine russe, MM. Chvostof et Davidof ; il arma deux navires sous le commandement de ces officiers et les envoya à l’île Séghalien pour y détruire les établissemens japonais. M. Chvostof seul s’y rendit, y brûla plusieurs maisons et fit des prisonniers qu’il emmena avec lui.

Cet outrage n’était pas oublié au Japon lorsque la Diane, corvette