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quitter Nagasaki le 20 kougouats (9e mois japonais, qui correspond ordinairement à la première quinzaine d’octobre), et en effet il part, officiellement du moins, toujours à cette date ; mais comme son chargement est encore incomplet, il va en attendre le complément au Tocaboco[1] officieusement. Ce retard est mis sur le compte du vent, qui soi-disant ne lui permet pas de sortir immédiatement. Les Japonais sont toujours satisfaits quand la forme est observée ; ils ne veulent pas, et ils ne doivent même pas, d’après leurs usages, aller au-delà. Cette élasticité d’accommodemens est si forte chez eux qu’ils l’appliquent à tout. Ainsi, par exemple, un individu peut mourir officieusement seulement, si son fils est encore trop jeune pour lui succéder dans ses fonctions et ses titres, et il est tenu pour vivant jusqu’à ce que sa mort soit officiellement annoncée, quoique tout le monde le sache officieusement enterré. Cela dure quelquefois plusieurs années, et ce n’est que le jour où l’on peut sans préjudice en communiquer la nouvelle que commencent le deuil et les complimens de condoléance.

D’après le même principe, le gouverneur de Nagasaki, qui est remplacé tous les ans dans ses fonctions, part le 21 kougouats pour la cour et l’annonce officiellement le départ du navire, qui cependant reste quelquefois plus de trois semaines encore au Tocaboco. Il en est ainsi au Japon de beaucoup de mesures qui, à première vue, paraissent vexatoires, et qui n’existent en réalité que pour la forme. Ceux qui ne connaissent pas ce pays et ses mœurs, et qui pourtant veulent en parler, prennent tout à la lettre et tombent dans de grandes erreurs d’appréciation.

L’entrée du Japon est souverainement interdite aux femmes étrangères, et il est pris pour cela des précautions officieuses et officielles qui ne permettent aucune espèce de transaction.


IV

Je crois avoir suffisamment établi que l’or, l’argent et le cuivre ont seuls alimenté les retours du commerce avec le Japon, dont la grande prospérité a décliné à mesure que ces moyens ont été retirés ou réduits. Tous les rapports de la factorerie hollandaise, tous les avis de la régence de Batavia à toutes les époques, enfin toutes les pièces que renferment les volumineuses archives de Décima sur cette matière et sur les nombreuses expériences faites avec d’autres produits, prouvent d’une manière irrécusable que les Hollandais, après l’or et l’argent, n’ont trouvé de retours sérieux qu’avec le cuivre, et qu’ils

  1. À 4 ou 5 kilomètres de la ville.