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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/698

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populaires, les agitateurs comme Frost, le démagogue gracié qui a essayé d’une manifestation chartiste à Londres, n’aient que de médiocres chances d’être écoutés. M. Fox, un ancien et éloquent orateur de la ligue contre les corn-lows, définissait l’autre : jour devant ses électeurs la situation intérieure de l’Angleterre, en ces termes : « La chambre des communes attend que le peuple lui demande des réformes et le peuple attend que la chambre lui en propose. » Excellente disposition des deux parts, et en Angleterre, comme en beaucoup d’endroits, si les réformes n’étaient que la préface de révolutions, ne faudrait-il pas souhaiter que peuple et chambre attendissent encore longtemps ?

Depuis que l’Espagne a été jetée dans une voie nouvelle par des événemens dont la résistance des partis révolutionnaire sa déterminé l’importance et la signification, il n’a cessé de s’agiter à Madrid un problème des plus graves. Par quels actes allait s’attester la politique victorieuse en juillet 1856 ? Entre les opinions diverses qui passaient pour être représentées dans le gouvernement, lesquelles prévaudraient ? Que sortirait-il enfin de ce mouvement que tout le monde attendait, et qui a surpris tout le monde ? Depuis deux mois, les actes décisifs se succèdent par intervalles et éclaircissent un peu cette situation. Licenciement de la milice nationale, dissolution des certes constituantes, retour à la constitution de 1845, complétée par un acte additionnel, ce sont là des mesures qui précisent le sens et la portée des derniers événemens ; mais ce travail se poursuit-il sans peine et sans tiraillemens dans les conseils de la reine Isabelle ? Cette œuvre accomplie en commun est-elle pour le ministère un gage de force et de durée ? Ici la question change de face, et la démission récente de l’un des ministres indique assez que le cabinet espagnol a ses épreuves intérieures, d’où il ne sort pas toujours intact. Il n’est point douteux désormais que parmi les hommes appelés au pouvoir au mois de juillet, tous ne se faisaient point la même idée de cette crise dans laquelle ils se trouvaient jetés tout à coup. La plupart d’entre eux étaient portés au gouvernement comme par un tourbillon et sans trop savoir ce qu’ils feraient de la victoire. Le plus difficile pour le général O’Donnell n’était pas de vaincre ; depuis deux ans, il se préparait à la lutte, il l’attendait sans la provoquer et sans la fuir. Seulement il paraît s’être moins préoccupé des conséquences politiques de cette lutte, que sa raison lui montrait comme inévitable. Le combat une fois fini d’ailleurs, le nouveau président du conseil se trouvait partagé entre ses instincts conservateurs et quelques-uns de ces engagemens qui échappent parfois dans les momens de révolution ; il était entouré d’hommes qui lui rappelaient ces engagemens, s’efforçant de jeter le trouble dans son esprit et de l’effrayer de sa propre victoire. D’autres ministres, très disposés également sans doute à raffermir l’ordre public ébranlé, mais progressistes par leurs antécédens, n’étaient pas mieux fixés ; ils semblaient placés au pouvoir moins, pour agir que pour entraver toute action. De ce nombre étaient particulièrement M. Manuel Cantero et M. Bayarri. De tous les ministres, M. Rios-Rosas est celui qui a le moins hésité et qui était le mieux préparé aux événemens ; Rien ne le gênait dans son passé. Pendant deux années, il n’a cessé de combattre toutes les tendances révolutionnaires au sein des dernières cortès. Il a même soutenu la validité de la constitution de 1845en face d’une assemblée qui s’attribuait le mandat de refondre toutes