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formée, Auguste semble avoir cherché à tromper sur la nature de son pouvoir en le datant d’une époque de liberté.

Les arts n’étaient pas exclus de la demeure d’Auguste, à en juger par les arabesques des salles appelées à tort bains de Livie, et qui paraissent avoir fait partie de cette demeure ainsi que trois autres salles de la villa Mills. Ces arabesques sont d’une grande élégance. Du reste il faut se souvenir que des arabesques de ce genre décoraient les maisons des particuliers, on le voit à Pompeii. Auguste pouvait donc en décorer la sienne sans démentir la simplicité d’habitudes qu’il affectait. Pour Auguste, demeurer sur le Palatin avait son importance. Le Palatin était la partie antique et royale de Rome, la montagne de Romulus, de Romulus dont Octave avait ambitionné de prendre le nom. César était allé d’abord habiter dans le quartier populaire de la Subure, près de l’endroit où l’on croyait qu’avait été la demeure du bon roi Servius Tullius de démocratique mémoire. Tout cela peut bien ne pas avoir été fait sans intention.

Devant la porte de la maison d’Auguste étaient plantés deux lauriers, et au-dessus était placée une couronne de chêne pour exprimer, dit Dion Cassius, qu’Auguste était le vainqueur des ennemis et le sauveur des citoyens. Cet honneur que lui accorda le sénat avait un caractère de simplicité antique tout à fait dans le goût d’Auguste. On peut croire que ses créatures en avaient suggéré l’idée au sénat. Du reste il ne rappelait rien de bien honorable pour personne, car les lauriers et la couronne de chêne furent décernés à l’empereur après cette scène de comédie dont Dion Cassius lui-même n’est pas dupe, et dans laquelle Auguste demanda de l’air le plus sérieux du monde la permission de déposer l’empire, ce à quoi le sénat eut la mauvaise grâce de ne pas consentir. Ovide paraît avoir été plus touché qu’il ne m’est possible de l’être de ces lauriers, qui ne rappelaient qu’un hommage de la platitude à la duplicité, car il fait de leur gloire un motif dont se sert Apollon pour consoler Daphné d’être changée en laurier.

Près de la maison modeste du Palatin, Auguste éleva un temple magnifique à Apollon. Toujours le même calcul : quand il s’agissait de lui-même, il se faisait petit pour se faire puissant. Il se cachait dans sa modestie ambitieuse comme l’araignée se cache au fond de sa toile. Quand il s’agissait d’un monument public, d’un temple, il croyait ne pouvoir trop montrer de faste et de splendeur, et surtout quand le temple était près de sa maison, il aimait à faire ressortir l’humilité de celle-ci en lui opposant la magnificence de celui-là. Dans l’une, l’empereur s’effaçait ; dans l’autre, comme dans le temple de Mars Vengeur, commençait à se déployer l’empire. Nous devons à Properce une description assez détaillée du temple d’Apollon Palatin. Il était orné de statues grecques, entre autres d’un Apollon de