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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/712

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Justinien. Les lois dont il fut l’auteur sont en général d’une importance médiocre ; la plupart peuvent passer pour de simples mesures de police. Il régla les places de l’amphithéâtre, relégua les femmes dans celles d’en haut, en assigna une particulière aux plébéiens mariés, une autre aux jeunes gens, sépara les citoyens des militaires ; tout cela était fort sage, mais n’était point grand. Quelques-unes des lois d’Auguste ont cependant une portée plus élevée : ce sont celles par lesquelles il voulut, aussi à l’exemple de César, travailler à la réforme des mœurs. Le zèle pour les bonnes mœurs était chez l’un et l’autre très désintéressé ; celui d’Auguste a été célébré par Horace et Ovide, qui ne pouvaient être fort exigeans sur ce point. Une de ces lois (lex Julia Poppœa) imposait, dans l’intérêt des mœurs et de la population, des peines aux célibataires récalcitrans et aux veuves qui ne se remariaient pas. Dion Cassius fait tenir à Auguste deux singuliers sermons moraux et économiques sur le mariage, dans lesquels il prêche, comme toute l’antiquité, une thèse diamétralement opposée à celle de Malthus. Ces mesures prises par Auguste contre les mauvaises mœurs ne produisirent pas un grand résultat, comme on le vit par les temps qui suivirent. En fondant l’empire, ce moraliste ouvrit l’ère des monstrueux désordres dont cette forme de la société romaine devait étonner les siècles.

Ce qu’on peut dire d’Auguste, c’est qu’il fut un administrateur très distingué. Il partagea la ville en quatorze quartiers, regiones, nom qui subsiste un peu contracté dans les douze rioni de Rome, et en deux cent vingt-quatre vici. L’Italie fut également divisée en onze régions. Auguste créa, pour ce que nous appelons le service municipal, trois mille cent soixante-deux fonctionnaires, presque tous plébéiens. En général il multiplia le nombre des emplois, nova officia excogitavit, dit Suétone. D’autre part, Dion Cassius nous apprend qu’il établit des salaires fixes pour des magistratures jusque-là gratuites ; la multiplication du nombre des fonctionnaires et leur rémunération entraient naturellement dans son système de gouvernement.

Auguste organisa les provinces ; il établit partout la régularité administrative, c’est-à-dire qu’il mit le meilleur ordre dans la servitude. Tout ce qui tient à la police d’une grande ville et d’un grand empire se faisait très bien sous Auguste ; mais la police n’est pas de la politique. Ainsi il prit des mesures contre les inondations du Tibre ; il forma des compagnies de vigiles destinées à prévenir ou à arrêter les incendies. Ces vigiles correspondaient à nos pompiers, qui portent encore aujourd’hui à Rome le nom classique de vigili. Auguste s’occupa, comme le firent presque tous les empereurs bons et mauvais, d’approvisionner Rome des eaux dont elle avait besoin. C’était pour elle une telle nécessité, que ce soin ne pouvait jamais être interrompu, à tel point qu’on voit l’eau Julia amenée à Rome pendant