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— le jour de l’expiation, — fut célébrée à Amsterdam par une petite communauté de Juifs portugais. Le bourgmestre de la ville, ayant surpris leur assemblée, crut d’abord que c’était une réunion de catholiques romains, dont le culte était alors prohibé. Le magistrat civil se préparait à disperser le conventicule ; mais, mieux informé, il laissa les Israélites accomplir paisiblement leur service religieux. En 1598, la première synagogue fut fondée dans la capitale des Provinces-Unies. Dix ans après, l’accroissement de la population juive motivait l’érection d’une seconde synagogue, et bientôt d’une troisième. En 1639, les trois églises se réunirent, et formèrent une seule congrégation de Juifs espagnols et portugais. Le nombre des Israélites croissant toujours, et aussi leur prospérité, ils bâtirent en 1675 la belle synagogue qu’on voit maintenant à Amsterdam, et qui est située dans la partie de la ville où les réfugiés de la Péninsule s’étaient d’abord établis, près des bords de l’Amstel. La liberté relative dont jouissaient les Juifs en Hollande attira de Madrid et de Bruxelles plusieurs familles qui avaient subi le baptême, mais qui, restées israélites de cœur, vinrent à Amsterdam, où elles professèrent publiquement la religion de leurs pères.

Cette accession des Juifs portugais et espagnols fut suivie par une immigration de Juifs allemands. Bien différente était la condition de ces deux classes d’exilés. Les premiers avaient réussi, malgré les mesures spoliatrices du gouvernement, à emporter de l’Espagne et du Portugal de grands trésors, et, ce qui valait mieux, la connaissance des rapports du grand commerce avec les deux Indes et le Levant, qu’ils aidèrent puissamment à répandre sur le sol hospitalier de la Hollande. Les seconds n’apportaient guère que leur misère, la trace de leurs longues souffrances, mais aussi la ferme résolution de gagner leur vie par le travail. La municipalité d’Amsterdam se montra d’abord effrayée de cette autre invasion des gueux. Les Juifs espagnols et portugais intervinrent : ils promirent d’aider leurs frères, et donnèrent l’assurance aux magistrats que ces pauvres gens ne seraient point une charge pour la ville. Après quelques difficultés, les Juifs allemands obtinrent enfin l’autorisation d’acheter le cimetière de Muiderbank, situé à quelque distance de la ville, et qu’ils approprièrent à leurs besoins de résidence. En 1656, on leur permit d’élever une maison de prière. Avec le temps, cette population de Juifs allemands prit un développement considérable. Les Israélites de la Pologne et de la Lithuanie furent obligés de quitter un pays où ils se voyaient tour à tour en butte aux violences des Cosaques et aux fureurs populaires. Trois mille Juifs débarquèrent au Texel, et reçurent aussitôt l’hospitalité à Amsterdam. Ils se fondirent plus tard dans la synagogue allemande. On voit ici la racine de cette division