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depuis quelque temps les ministres de l’église anglicane, qui opposent dans leurs écrits, « non, disent-ils, sans quelque honte, » les vertus des Juifs à la dépravation des chrétiens. M. Mills, un ecclésiastique réformé, affirme que les Juifs pauvres se distinguent par leur tempérance et par leur hospitalité. Un rapport dû à un physiologiste célèbre, M. Grainger, établit que le choléra, toutes proportions gardées, a fait moins de ravages, dans la classe pauvre, parmi les Juifs que parmi les chrétiens. L’auteur attribue cette circonstance favorable aux excellentes mœurs des Israélites, et (le croirait-on ?) à leur propreté. On voit qu’en Angleterre, comme en Hollande, le Juif actuel n’est plus le Juif de la tradition. Le culte de l’intelligence forme parmi les enfans d’Israël, avec le culte de l’humanité, un des traits de leur religion, qui s’épure. Les écoles et les hôpitaux fondés par les libéralités des membres de la congrégation s’élèvent comme à l’envi autour de leurs églises. L’éducation se répand jusque dans les classes obscures ; les écoles gratuites reçoivent un nombre considérable d’enfans des deux sexes. Des hommes remarquables[1] et même des femmes distinguées attestent les heureux résultats de cette diffusion des lumières. Je ne citerai parmi les femmes israélites que Mlle Grace Aguilar, morte Il y a quelques années, et dont les romans, les nouvelles, les écrits moraux méritent de figurer parmi les bons ouvrages de second ordre. Ce que l’on aime à trouver dans son talent simple et délicat, c’est un certain parfum de poésie biblique, l’amour de son antique race et ce culte de la vie de famille que la langue anglaise exprime si bien sous une plume habile. La reconnaissance des Juifs pour les nations protestantes qui les ont recueillis dans un temps où ils erraient proscrits sur toute la terre a quelque chose de touchant et de profond. Ce bon accord ne repose point uniquement sur un service rendu, il s’appuie sur une conformité de croyance religieuse et sur une notion commune des devoirs. Israël aime à reconnaître dans le christianisme réformé ses propres doctrines sur l’unité de Dieu, l’immortalité de l’âme, l’inspiration des Écritures et la pratique des vertus domestiques. Les deux cultes proscrivent les images, et rien ne ressemble à un temple protestant comme une synagogue. Les Juifs s’appuient sur l’autorité même de Jésus-Christ pour affirmer le lien qui les unit à la religion anglicane ; « le salut, dit l’Évangile, vient des Juifs, salus ex Judœis est. » Les trois grands cultes qui couvrent le monde de leur influence, le catholicisme, le protestantisme et le mahométisme, procèdent du judaïsme comme d’une origine commune. Le fleuve ne doit point renier sa source, l’arbre ne doit point mépriser ses racines.

  1. Il suffit de nommer M. Disraeli parmi les hommes politiques et les écrivains.