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droits acquis par les Juifs. Les villes libres de Francfort, Lubeck et Brême prirent des mesures pour restreindre les libertés dont jouissaient les habitans Israélites depuis quelques années. En 1830, il s’éleva dans presque toute l’Allemagne une génération de Juifs libéraux. Leurs idées se répandirent et se développèrent avec une éner gie inconnue jusque-là. Uni de cœur et d’intérêts aux principes de la Jeune-Allemagne, le nouveau judaïsme vint renforcer le parti du mouvement. Il réclamait l’émancipation complète des Juifs. 1848 éclata au milieu de cette fermentation morale. Les libéraux juifs de toutes les nuances prirent une grande part aux événemens de cette année en Bohême et en Hongrie. Un bon nombre des journaux, les plus lus en Prusse et en Autriche, étaient rédigés par des Israélites. Plusieurs députés juifs siégèrent dans la diète de Francfort et dans l’assemblée nationale de Prusse à Berlin. À quelque point de vue qu’on envisage les faits de cette époque, on doit reconnaître que les Israélites ont déployé alors de grands talens dans les directions les plus variées. La révolution de 1848 améliora d’ailleurs en Allemagne les conditions des Juifs. « Jusque-là, dit M. da Costa, les droits politiques accordés aux Juifs germains étaient si restreints par les exceptions et les mesures provisoires, que l’ancienne exclusion pouvait passer pour modifiée, mais elle n’était point détruite ; elle continuait au contraire de former une partie de la constitution. »

L’Allemagne a naguère aussi donné naissance à de nombreuses célébrités juives dans les arts, dans la science, dans les lettres et dans la finance[1]. Dans une rue de Francfort habitée par les Israélites, où l’on pénètre à travers une futaie de hauts pignons et de lugubres allées, on montrait encore, Il y a quelques années, une petite maison, et dans cette maison une vieille femme à mine vénérable, assise dans un grand fauteuil, auprès d’un étroit panneau de vitres. Cette femme était la mère des Rothschild. De nombreuses écoles israélites couvrent l’Allemagne, et l’éducation l’adoucit les mœurs. Une des accusations sur lesquelles se fonde le préjugé qui existe encore contre les Juifs est la haine qu’on leur suppose contre les chrétiens. J’ai sous les yeux un document public qui dément avec une autorité victorieuse cette opinion trop accréditée. Dans le catéchisme juif de Bavière, catéchisme accepté par les synagogues,

  1. Ici même on a eu plus d’une fois l’occasion de citer les remarquables romans de M. Léopold Kompert sur la condition et les mœurs des Juifs allemands. Voyez la Revue du 1er janvier 1854 et du 15 janvier 1856. M. da Costa aurait pu citer dans son ouvrage plusieurs illustrations juives, Henri Heine, Hoffmann, Meyerbeer, etc. Il aurait pu nous entretenir de la condition des Juifs en Prusse, où on en compte près de 220,000, et en Autriche, où ils exercent quelque influence ; mais nous avons déjà indiqué le motif de ces omissions volontaires.