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disposé pour le recevoir. Grande fut la surprise de celui-ci, en pénétrant dans sa chambre à coucher, d’y voir debout, adossées à la muraille, un essaim de beautés africaines dans la plus complète nudité ; à côte, sur un escabeau, se trouvait un vase exhalant l’odeur des parfums. Tous ces apprêts étaient destinés à faire honneur à l’étranger, qui étonna et scandalisa peut-être ses hôtesses en refusant de se laisser parfumer d’huile de rose et en leur signifiant son intention de dormir seul. Les Turcs qui l’accompagnaient n’imitèrent pas sa discrétion, car ils firent toute la nuit un tel bruit qu’à peine put-il reposer.

Au-delà de Kery, point extrême où Méhémet-Ali s’était arrêté, M. Kovalevski rencontra un hameau dont les masures grisâtres sont suspendues au sommet de rochers escarpés : c’est le village d’Akaro, qui jouit du singulier privilège de percevoir une taxe à son profit sur toutes les caravanes marchandes. Les chameaux chargés paient quatre piastres, et les ânes en paient deux. Tout le pays qui entoure les hameaux du Fazogl, est montagneux ; boisé et pittoresque ; les hyènes, les zèbres, les girafes, les éléphans, se plaisent au milieu de ses bois. Epineux et sur les bords de ses cours d’eau. Caillaud a raconté qu’lsmaêl-Pacha eut un jour la fantaisie d’envoyer ses soldats à la chasse de trois de ces derniers animaux, qui traversaient paisiblement une clairière à portée de carabine. Les Égyptiens, confians dans la sûreté de leur tir, s’approchèrent et firent feu tous ensemble ; les éléphans, seulement blessés et rendus furieux par cette agression, coururent à leurs ennemis ; ils en écrasèrent cinq ; trois autres, saisis avec les trompes, furent broyés et jetés par-dessus les arbres. Ceux qui eurent le bonheur d’échapper n’eurent rien de mieux à faire que de se cacher, et les éléphans, pour achever de passer leur rage, mirent les arbres en pièces et bouleversèrent toute cette partie de la forêt.

Sur les deux rives du Toumat s’étendent de vastes ombrages formés par des palmers, des acacias, des nebkas et d’autres arbres particuliers à cette contrée bien que le Toumat ait un cours assez considérable, son lit se trouve presque entièrement à sec avant la saison des pluies périodiques ; l’eau filtre sous la couche de sable extérieure, et ce n’est qu’après les pluies tropicales que cette rivière verse ostensiblement dans le Nil-Bleu un volume d’eau considérable Les bords du Toumat et les monts Kasan, qui dominent cette rivière, récompensèrent d’un plein succès les recherches de M. Kovalevski : des mines d’or d’une grande richesse furent découvertes sur le versant de la montagne. Après l’installation des ateliers, tandis qu’une exploitation régulière fonctionnait sur le Toumat, l’officier poursuivit ses explorations géographiques aux sources de cette rivière. Accompagné d’une escorte de meleks ou chefs des montagnes avoisinantes et d’un millier de soldats noirs armés de fusils, il pénétra au sein des montagnes. Les rivières se trouvaient à sec, et, pour obtenir, une eau à peu près potable, les soldats étaient obligés de creuser le lit des torrens.

Après quelques jours, de marche, les voyageurs atteignirent un groupe de hautes montagnes qui portent le nom de Beni-Chankoul, et dont la population forte de dix mille âmes environ, est répartie en un grand nombre de villages suspendus au sommet des monts. Chacun d’eux est indépendant de