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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/925

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mise en question encore une fois. On prodigue les encouragemens à des théâtres qui vivraient sans la protection de l’état, qui d’ailleurs ne produisent pas une seule œuvre originale digne de tels sacrifices, et on laisse à ses propres forces un théâtre indispensable aux besoins de l’art musical. Il y aurait pourtant une mesure bien simple à prendre pour assurer la vie du Théâtre-Lyrique, toujours si précaire : ce serait de lui accorder une subvention de 100,000 francs avec l’obligation de ne jamais jouer aucun ouvrage des membres de l’Institut. Il serait consacré aux jeunes compositeurs français qui ont bien le droit qu’on s’occupe de trouver un débouché à leur talent. Former des musiciens, les envoyer à Rome aux frais du gouvernement, pour les laisser, ensuite se morfondre à Paris et user leur jeunesse à chercher une occasion de se produire, est un contre-sens. L’existence d’un troisième théâtre lyrique, qui ne peut être assurée que par une subvention, nous paraît être le complément nécessaire du Conservatoire de musique, où se forment les talens dont s’honore la France. Si nous avions besoin d’un exemple à l’appui de notre raisonnement, nous le trouverions dans le nouvel opéra qu’a donné le Théâtre-Lyrique, les Dragons de Villars, dont la musique est de M. Aimé Maillart, grand prix de Rome, qui depuis dix ans ronge son frein et ne sait où dépenser la verve qui le tourmente. Encore M. Maillart est-il parmi les heureux compositeurs de ce monde, puisqu’il s’est déjà fait connaître par trois ouvrages, Gasfi-Belza, opéra en trois actes, qui servit d’ouverture au Théâtre-Lyrique en 1847, le Moulin des Tilleuls, en un acte, et la Croix de Marie, opéra en trois actes, qui a été donné à l’Opéra-Comique avec plus ou moins de succès. Dans les trois ouvrages de M. Maillart que nous venons de citer, on avait remarqué de la chaleur, le sentiment des effets dramatiques et un style un peu trop ambitieux, qui avait besoin de se détendre et de se clarifier. Il y a cinq ans que M. Maillart n’a pu trouver l’occasion d’aborder de nouveau le théâtre et de nous apprendre si le temps et l’expérience ont mûri ses idées et dégagé sa verve des élémens divers dont elle se nourrissait un peu au hasard.

Le sujet des Dragons de Villars semble emprunté au joli roman de Mme Sand, la Petite Fadette. MM. Lockroy et Cormon ont seulement transporté l’action sous le règne de Louis XIV ; ils en ont fait un épisode de la guerre des Cévennes et de la persécution des camisards, cette iniquité du grand roi et de sa politique de vieux dévot. Tout le premier acte est assez heureusement conçu, et Rose Friquet, une fille étrange et à demi sauvage, présente une physionomie qui ne manque pas d’intérêt ; mais les deux actes suivans ramènent des combinaisons suffisamment connues et de grosses scènes de mélodrame dont on pouvait se croire débarrassé. Nous passerons rapidement sur l’ouverture des Dragons de Villars, certain que nous sommes que le compositeur n’attache pas plus d’importance que la critique à une improvisation de quelques heures de travail, et qui ne se recommande par aucune qualité saillante. On peut signaler au premier acte le chœur des dragons, évidemment écrit pour piper l’attention du parterre par des effets d’imitation puérile, ce nous semble. Il faut traiter ces détails soldatesques comme l’a fait Meyerbeer dans les couplets militaires au second acte de l’Étoile du Nord, ou bien ne pas s’en mêler. Nous préférons l’air que chante